Educated ·Tara Westover

par Electra
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Il y a des livres qui vous font envie et auxquels vous tentez de résister puis les avis sont unanimes, et vous ne pouvez plus attendre. Educated  fait partie de ces livres-là et je n’ai pas regretté mon achat.

Novembre a fini, mais je continue le challenge Non Fiction avec ce mémoire passionnant. Les critiques envers ce best-seller américain sont souvent unanimes : les personnes ont adoré la première partie, moins la deuxième, puis-je dire que j’ai adoré les deux et peut-être même légèrement plus la seconde ? Que raconte-donc ce livre ?

Tara Westover a grandi en se préparant pour la fin du monde, en croyant fermement que lorsque l’Apocalypse arrivera, sa famille serait encore là, intacte.  Tara n’existe pas. Elle n’a aucun bulletin scolaire car elle n’a jamais mis les pieds à l’école, et aucun carnet de santé parce qu’elle n’a jamais vu de docteur. Tara n’a pas été déclarée à l’Etat-civil. Tara n’existe pas aux yeux du gouvernement américain. Son père, un fondamentaliste religieux, adepte du survivalisme a éloigné toute sa famille du monde civilisé, dans les montagnes de l’Idaho. Ses fils ainés (sept enfants) ont été scolarisés mais un jour, ils les a retirés et a décidé de leur enseigner la Bible et les textes sacrés.

Leur mère a accepté la lente conversion de son époux – pourtant elle a grandi en ville. Tara connaît mal ses grands-parents maternels, son père les exècre car ce sont des mécréants comme tous les autres habitants, des Mormons comme eux, mais qui refusent d’appliquer la Bible au sens strict du terme. Ainsi lorsqu’il comprend, en lisant les textes sacrés, que le lait serait un produit du Diable, il en interdit à la consommation à sa famille et se vante auprès de tous, alors que son propre frère est .. producteur de lait.

Le père de Tara est un homme fascinant mais profondément inquiétant, et en vieillissant sa maladie mentale se manifeste de plus en plus – car ses propos deviennent de plus en plus incohérents et il est implacable avec ses enfants qui doivent tous travailler et n’ont plus le temps pour étudier. A l’approche du passage du millénaire, en décembre 1999, il devient incontrôlable – il est persuadé que le monde va basculer dans le chaos et que lui seul est préparé. Ce passage du livre est révélateur sur la folie du père.

Tara grandit, aimée par sa mère et ses frères, mais elle craint un de ses frères, qui en vieillissant devient de plus en plus violent envers elle.  Sa famille est comme aveuglée et ne voit rien.  Elle se réfugie chez sa grand-mère paternelle, une femme gentille qui lui prépare un bol de céréales au lait tous les matins et a senti que la petite était différente.  Elle aime la vie dans les montagnes d’Idaho mais la peur prend le dessus, ce lieu – son refuge, son cocon, est aujourd’hui devenu un lieu de danger. Elle craint la main leste de son frère et les cris de son père.

Tara Westover raconte alors son combat pour réintégrer le système scolaire : obtenir enfin un certificat de naissance – très compliqué quand votre mère et votre grand-mère ne sont pas d’accord sur votre date de naissance et que le seul registre (religieux) faisant état de votre naissance propose une troisième date ! Et la réaction de l’officier d’état-civil est révélatrice du décalage profond entre leur famille et la société. Ils sont totalement aliénés. Pourtant Tara va continuer ses études et finira, même, contre l’avis de son père, par aller à l’université.

La deuxième partie du livre se penche sur ses études et sur cette prise de conscience : leur père leur a éduqué une vision différente de l’Histoire – sa vision du monde où les Juifs ont tué Jésus et sont donc des ennemis, où les personnes noires sont des êtres inférieurs et ont leur place en tant qu’esclaves. Tara va perdre pied à l’université, au milieu de ces jeunes Mormons très libertaires – la jeune femme va mettre des années à s’intégrer. Le fossé immense entre ses parents et la société lui saute aux yeux lorsqu’ils viennent lui rendre visite et mangent ensemble au restaurant. Une scène qui m’a marquée, car elle marque la prise de conscience de Tara.

Car Tara aime profondément sa famille, même son père qui va connaître un terrible accident pour lequel elle va arrêter un temps ses études. Elle est toujours aussi loyale envers cette famille qui ne cesse pourtant de la critiquer, de lui reprocher son départ, de lui reprocher d’écouter les mécréants.

C’est cette prise de conscience qui m’a passionné dans la seconde partie, on voit un papillon sortir de sa chrysalide. La jeune femme n’a pas choisi le titre de son livre par hasard, elle rend un hommage à ce qui permet à chacun de s’affirmer : l’éducation.  Car seule l’éducation permet de voir la vie d’une autre perspective, d’un autre angle et et surtout, laisse à chacun  le choix de ses propres idées. Son père les avait façonnés à son image et il ne supportait pas que ces derniers puissent émettre un doute sur sa parole d’Evangile. 

Une des lectures les plus marquantes de l’année, ce livre m’a bouleversé comme l’avait fait Wild en son temps. Le père est tellement effrayant qu’il en est passionnant – son emprise est telle que ceux qui ont lui résisté ont fini, pour la plupart, par céder. Mais certains ont résisté. Vu son succès, sa traduction est sûrement en cours.

♥♥♥♥♥

Editions Windmill Books, 2018, 400 pages

Et pourquoi pas

15 commentaires

Mes échappées livresques 3 décembre 2018 - 7 h 43 min

Très tentant celui-ci! il n’y a plus qu’à patienter en espérant une traduction!

Electra 3 décembre 2018 - 13 h 00 min

c’est un énorme best-seller aux USA et dans tous les pays anglophones, du coup je suis certaine qu’une maison d’éditions française s’est déjà manifestée 🙂

keisha 3 décembre 2018 - 14 h 15 min

Tu sais, la non fiction comme cela, c’est encore plus tentant qu’un roman! (tu te souviens du roman de smith Henderson avec le père assez bizarre aussi?)
Bon, je peux attendre la traduction, vu l’état de la PAL
Et bonne nouvelle, le David Grann sur The lost city est à la bibli! (sauts de joie)

Electra 3 décembre 2018 - 19 h 33 min

oui tu as raison, on suit l’histoire sauf qu’elle est vraie et que c’en est du coup encore plus flippant ! ah oui, le père – ici pareil, on a parfois du mal à se dire qu’il existe vraiment
Ah cool – tu me diras ce que tu penses de ces obsédés de trésors cachés prêts à mourir !

Jerome 5 décembre 2018 - 13 h 10 min

Un témoignage édifiant. On sent dans ton billet à quel point tu as été emportée par cette lecture !

Electra 5 décembre 2018 - 20 h 00 min

Merci ! Je pense qu’il te plairait aussi pour le personnage (enfin la personne) du père – on voit à quel point ces fondamentalistes peuvent frôler la maladie mentale .

Eva 5 décembre 2018 - 14 h 10 min

ce livre a l’air passionnant, et ton billet enthousiaste est totalement convaincant, très envie de lire ce livre !! j’imagine bien les éditions Globe le publier…

Electra 5 décembre 2018 - 20 h 01 min

Oui, ça leur irait bien ! espérons qu’ils t’entendent 🙂

Marie-Claude 6 décembre 2018 - 3 h 02 min

Là, ça va faire! Je compte te retirer de mes blogues favoris. Je n’en peux plus de ces tentations et de mon incapacité à lire en anglais. À quoi tu me répondras que ce n’est pas ton problème et que je n’ai qu’à suivre des cours d’anglais. Tu n’aurais pas tort. Mais t’imagine si je lisais en anglais? On ressortirait avec des bleus partout sur le corps en sortant des librairies anglophones. Sans compter que je risquerai la faillite. Non… Le plus simple, c’est de te retirer de ma liste de blogs!

Electra 6 décembre 2018 - 22 h 56 min

Non s’il te plait !! Je te réponds simplement : es-tu Canadienne ? pour ton illustration si tu parlais anglais, oh oui ça serait l’horreur ! et toi tu irais à Montréal et tu me montrerais tous tes achats et je te détesterais !!! ne me retire pas et celui-ci va être traduit, et j’ai lu en français depuis !!!

Titezef 12 décembre 2018 - 21 h 19 min

Bien bien bien … je suis pas loin de penser comme Le Caribou 🙂 . Vilaine tentatrice 😉

Electra 12 décembre 2018 - 21 h 28 min

Non ! pas de bleus stp ! Mais vu son succès, il est forcément acheté et en cours de traduction et il vous plaira comme la Note Américaine !

Mes échappées livresques 13 décembre 2018 - 12 h 07 min

Excellente nouvelle, il sort le 9 janvier chez JC Lattès! 🙂

Electra 13 décembre 2018 - 21 h 09 min

Merci ! voilà, j’en étais sûre !

Miscellanées - la nuit je mens 14 décembre 2018 - 6 h 52 min

[…] ? Votre voeu est exaucé : le 9 janvier prochain, JC Lattès publie le livre de Tara Westover, Educated que j’ai tant aimé , en français, sous le titre Une éducation. Evidemment, je ne peux que […]

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