Grands espaces ⋅ Russell Rowland

par Electra
3,7K vues

J’avais repéré ce roman de Russell Rowland lors d’une virée dans une bibliothèque où je me rends rarement. Je l’avais toujours gardé dans ma liste à lire : grands espaces + Montana. Je l’ai finalement emprunté et failli le retourner sans l’avoir lu ; j’ai changé d’avis et quelle bonne décision ai-je prise !

Grands espaces est une fresque familiale qui commence à l’automne 1916 pour finir à l’été 1945. Pendant près de trente ans, on suit la vie de Blake Arbuckle, le fils d’éleveurs de bétails au Montana.

Divisé en trois parties, Feu, poussière et eau, symbolisent la vie de dure labeur que ces hommes et femmes doivent affronter. Les hivers rugueux puis cette sécheresse qui vient tuer le bétail et stériliser la terre. Le feu qui détruit les granges et le foin nourrisseur. Les Arbuckle ont quatre fils et deux filles et tous sont mis à contribution pour que leur exploitation perdure. La vie est dure et Blake, adolescent, comprend peu à peu que le sort n’épargne personne, comme ce jour d’automne 1916 où son frère ainé, George, se noie dans la rivière. Le premier décès dans la famille. L’ainé n’avait que dix-neuf ans et une personnalité attachante. Blake ne sait pas ce qui s’est passé exactement, George était seul avec son autre frère Jack. Ce dernier disparait en s’engageant dans l’armée. La guerre fait rage à l’autre bout du monde, sa famille reçoit des lettres rassurantes de France. Blake en veut à son frère de le laisser gérer seul avec leur père l’exploitation. Bob, le benjamin, n’a que 11 ans et ne peut pas les aider. Leur famille est touchée une seconde fois par lorsque la petite soeur préférée de Blake meurt brutalement sous ses yeux d’une méningite encéphalique.

Je pensais à mon frère et me rendis compte avec horreur que j’avais gardé quelque espoir qu’il réapparaisse un jour ou l’autres. […] Et pendant que je pensais à cela et regardais les visages autour de moi, je compris pour la première fois de ma jeune vie que ces expressions stoïques cachaient quelque chose.A regarder les gens présents, je m’aperçus que parmi eux il n’y avait qu’une seule famille qui n’avait pas perdu d’enfant : les Purdy, qui n’en avaient pas. Les Glasser avaient enterré leur bébé le matin même. Et je vis dans les yeux de ces gens une sympathie que seule une personne qui avait eu la même expérience pouvait voir. Je n’avais jamais vu la douleur, parce que je ne l’avais jamais éprouvée.

Le temps passe, les saisons également, le travail à la ferme est toujours aussi exigeant lorsque Jack revient à la ferme, avec une fiancé, la très belle Rita. Blake en tombe immédiatement amoureux mais il sait qu’il ne peut rien dire.  Les saisons s’enchainent au Montana et la Dépression touche brutalement le pays. A l »époque, Blake est doué pour le base-ball et a découvert par hasard que son frère ainé George avait eu des contacts pour jouer avec les Cardinals. Un choix s’impose soudainement : la vie au ranch, dure, peu reluisante ou une possible carrière chez les Cardinals ?

Blake est un narrateur que j’ai aimé et parfois moins aimé parce qu’il est humain et parce que ses sentiments envers Rita vont le pousser à juger son frère ainé trop rapidement.  Lui aussi est, sans qu’il se l’avoue, doté de la même ambition – à l’époque, l’ainé reprend naturellement le ranch familial. La mort de George et la disparition de Jack vont donc faire de Blake l’héritier naturel, mais le retour du frère ainé va tout remettre en cause. Il lui est aussi plus aisé de justifier ses sentiments amoureux en décidant que ce dernier est une mauvaise personne. Je me suis demandée si l’auteur le faisait consciemment – oui, j’avoue que pour moi, Blake était si réel que j’imaginais même que l’auteur ignorait le côté sombre de son personnage ! Mais si Blake est parfois irritant, reste que sa manière de raconter les saisons, la sécheresse, le bétail mort, dispersé sur les terres, les faillites, les décès de leurs voisins, la vie de cette petite bourgade du Montana – est juste magnifique. Je n’ai jamais voulu les quitter.

Les années « poussière » sont terribles pour tous les fermiers, les animaux meurent de faim – les cadavres pourrissent à même le sol, la pluie disparait pendant plusieurs années. La vie est dure. La vie de famille est toujours compliquée, Jack revient puis repart, Blake joue l’oncle protecteur, il doit accepter la femme de Bob qui aime semer la discorde et voit ses parents vieillir inexorablement.

Une fresque magnifique où l’on s’attache à cette famille, aux parents, à la mère, aux enfants. Un grand livre signé par Russell Rowland que je ne connaissais pas et dont j’ai envie à présent de lire tous les livres. Sa description des grands espaces, du dur labeur de fermier, de la terre, de la sécheresse est juste impressionnante.

En recherchant des informations sur l’auteur, je découvre qu’il a écrit deux autres romans sur les Arbuckle – hâte de les lire, je vais donc retrouver Blake ! Et hop, j’ai décidé, je m’offre la version brochée du roman pour Noël.

♥♥♥♥♥

Le Livre de Poche, Editions Autrement, In Open Spaces, trad. Marie-Anne Kitsch, 2009, 499 pages

Et pourquoi pas

14 commentaires

Mes échappées livresques 16 janvier 2019 - 7 h 42 min

Encore un auteur que je découvre grâce à toi! je l’ajoute à ma liste 😉

Electra 16 janvier 2019 - 20 h 08 min

Je ne le connaissais pas non plus avant !

keisha 16 janvier 2019 - 8 h 51 min

Complètement dans ma ligne de mire, dis donc!

Electra 16 janvier 2019 - 20 h 08 min

bonne nouvelle alors !

keisha 18 janvier 2019 - 14 h 46 min

Il était en bourse aux livres, le temps que je revienne, pfou, parti!

Electra 18 janvier 2019 - 20 h 34 min

oh non ! mais il a fait un ou une heureuse ! Il doit être à la bibli 😉

Marie-Claude 16 janvier 2019 - 14 h 24 min

Je me mords les doigts… Je l’avais et il est passé à la trappe dans le grand ménage! Je vais devoir me remettre en quête!

Electra 16 janvier 2019 - 20 h 08 min

pas possible ! j’y crois pas ! MDR

Marie-Claude 16 janvier 2019 - 22 h 05 min

Ne ris pas en plus!!!! J’ai pu de main à force de mordre…

Electra 16 janvier 2019 - 23 h 14 min

t’es pas possible ! tu tires plus vite que ton ombre !!! Hier j’ai acheté trois cadeaux pour toi !!! mais là du coup, je me demande si tu les mérites vraiment !!! ce livre te plairait tellement en plus !!! MDR

Marie-Claude 17 janvier 2019 - 4 h 28 min

Bien sûr que je les mérite!

Electra 17 janvier 2019 - 21 h 15 min

coquine !

Autist Reading 18 janvier 2019 - 16 h 59 min

Merci pour cette découverte ! je suis certain que ça va me plaire !

Electra 18 janvier 2019 - 20 h 33 min

De rien ! Le livre date mais il mérite amplement de ressortir des étagères !

Les commentaires sont fermés