Baby Farmer · Amaury Da Cunha

par Electra
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Minnie Dean fut l’unique femme condamnée à mort et pendue en Nouvelle-Zélande, en 1895. Devenue une légende malgré elle, l’histoire de Minnie Dean a traversé le temps jusqu’à croiser la route d’un écrivain, à la recherche d’un sujet pour son séjour en résidence littéraire en Nouvelle-Zélande.

Amaury Da Cunha s’envole pour la Nouvelle-Zélande en janvier 2020. Il a cinq mois pour en apprendre au maximum sur cette femme dont le portrait l’obsède depuis plusieurs semaines. Qui était Minnie Dean ? A-t-elle vraiment tué les enfants dont elle était la nourrice/mère adoptive ? A l’époque, la société très austère rejetait les naissances hors mariage, aussi des « baby farmers » avaient vu le jour. Nourrice mais aussi mère adoptive (les enfants prenaient leurs noms), elles accueillaient ces enfants illégitimes en contrepartie d’une somme d’argent.

Ce récit (mi fiction, mi réel) raconte le parcours fatidique de Minnie Dean qui mena à son arrestation et à sa condamnation. Il vaut le détour, on y suit Minnie aller chercher en train deux nourrissons, et revenant chez elle avec leurs petits corps meurtris cachés dans une boîte à chapeau. La légende est née… Mais qui était Minnie Dean ? De son vraie nom, Williamina McCulloch – elle est née en Ecosse et est arrivée en Nouvelle-Zélande, et a eu deux enfants nées en Australie, et se déclarant veuve d’un médecin de Tasmanie, sans qu’aucune preuve de mariage ne fut jamais trouvée. Elle s’installa dans l’ile du Sud, à la pointe sud, dans un territoire austère. Elle épousa un aubergiste, Charles Dean, mais la ruée vers l’or terminée, leur auberge fit faillite et le couple décida de se lancer dans l’élevage de porcs. Les temps étaient durs, et l’argent manquait terriblement. Minnie décida de devenir une « baby farmer » afin de gagner de l’argent. Elle aurait accueilli une vingtaine d’enfants, en ayant jusqu’à 9 enfants en même temps, dans leur modeste demeure de deux pièces.

Six d’entre eux sont décédés de maladies infantiles et quatre autres vont tout simplement disparaître. La police va retrouver trois corps enterrés. L’arrestation et la pendaison de Minnie feront la une des journaux. Minnie n’était pas la première Baby Farmer meurtrière. Tout ce qui concerne Minnie Dean m’a vraiment intéressée.

Mais beaucoup moins la vie personnelle de l’auteur qui confie ici sa passion dévorante pour cette femme, jusqu’à se poser des questions sur son innocence (?) – sans jamais se demander ce que sont devenus les « quatre disparus » et les trois cadavres ? Réponse de l’intéressé : elle s’était trouvée au mauvais endroit, au mauvais moment. Personnellement, ce sont les enfants qui se sont retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment…  Cette passion qui va le mener aussi loin, est, je rejoins ici une des Neo-Zélandaises qu’il interviewe au départ, morbide et bizarre. L’autre point négatif est sa propension à raconter sa vie privée, ou plutôt l’absence de vie amoureuse, sa rencontre sur Tinder .. J’ai trouvé cela totalement hors propos dans ce récit mêlant enquête journalistique et vie personnelle. Et encore, il rate ses interview – il avoue même ne pas comprendre l’anglais des Néo-Zélandais ou ne peut s’empêcher de couper la parole sans arrêt. Je n’ai pas aimé ce choix narratif, j’avais envie de lire uniquement un récit sur Minnie, sur son parcours qui reste mystérieux (pourquoi a-t-elle quitté l’Ecosse, qu’a-t-elle fait en Australie ? Qui étaient le ou les pères de ses enfants ?).

Au final, j’ai trouvé l’ensemble bancal, comme j’ai trouvé ses interview malmenées (et pourtant il est journaliste) et l’auteur passe sous silence des dizaines de faits intéressants sur Minnie que j’ai découvert après en allant moi-même sur Internet. Il m’aura cependant permis de découvrir une légende sur ces terres lointaines qui me fascinent.

Et sinon de noter que la couverture, et la quatrième sont de très belles factures, une jolie découverte que cette maison d’éditions.

♥♥

Editions Plein Jour, 2021,185 pages 

Photo by Aleks Dahlberg on Unsplash

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10 commentaires

Sunalee 20 août 2021 - 9 h 09 min

C’est tout un art de s’intégrer dans l’histoire de quelqu’un d’autre… là, ça a l’air complètement raté (on s’en fout de Tinder, non ?) (en fait, non, pas tout à fait: ça me fait penser à David Van Reybrouck qui a utilisé Tinder pour rencontrer des vétérans japonais de la Seconde guerre mondiale, en contactant leurs enfants via l’app.)

Electra 24 août 2021 - 22 h 06 min

eh bien là on s’en fout de Tinder, mais pour ton David, oui, il l’a utilisé à bon escient 🙂 Oui, je me serais bien passée de la vie personnelle de l’auteur, il avait un magnifique sujet avec un pays si secret

keisha 20 août 2021 - 13 h 53 min

Dommage, il y avait une super histoire, là!
(et je crois qu’une cousine très très lointaine avait empoisonné son mari à l’arsenic , puis condamnation à mort puis en fait prison, début 20ème siècle)

Electra 24 août 2021 - 22 h 06 min

ah dis-donc, c’est de famille alors ! Oui, dommage car le sujet était très intéressant …

Marie-Claude 21 août 2021 - 4 h 59 min

C’est vraiment dommage. Quand tu avais commencé à m’en parler, j’en avais l’eau à la bouche; ou plutôt la curiosité dans le piton. Puis, ton désenchantement est devenu contagieux… Ce serait génial qu’un autre auteur reprenne l’idée-histoire!

Electra 24 août 2021 - 22 h 07 min

Oui, il y a eu un livre mais pas traduit sur ces nourrices tueuses – mais oui c’est bien dommage !

uneviedevantsoi 22 août 2021 - 13 h 22 min

Si le livre t’a déçue, ton article est très instructif. Je n’avais jamais entendu parler de cette histoire.

Electra 24 août 2021 - 22 h 07 min

Moi non plus, du coup j’étais curieuse mais au final, j’ai préféré aller sur Internet chercher mes propres informations.

Ingannmic 26 août 2021 - 12 h 29 min

Je rejoins les copines, et ton avis : quel dommage de gâcher un sujet si riche… l’auteur n’a visiblement pas réussi à s’oublier au profit de son objet d’étude..

Electra 26 août 2021 - 14 h 04 min

Exactement ! quel dommage que son éditeur (ou éditrice) ne lui en ai pas touché un mot 😉

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