Stay True · HUA HSU

par Electra
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J’ai acheté le récit de Hua HSU en 2022. Une lecture atypique, pas pour le style mais pour la manière dont je l’ai lu. J’ai commencé à lire ce roman en septembre l’an dernier, j’avais lu, je pense près de 100 pages, puis je suis partie au Québec et je ne l’ai pas repris. J’ignore pourquoi. Les mois ont passé, et le mois dernier, j’ai décidé de le terminer. Sans doute après avoir vu un booktuber en parler avec plaisir sur sa chaîne Youtube. Et quelle bonne idée ai-je eu ! Sans doute était-je cette fois-ci en bonne condition, et étrangement tout m’est revenu, je n’ai pas eu besoin de relire les pages précédentes. J’ai dévoré ce mémoire avec plaisir et j’ai été touchée par l’émotion que procure ce récit d’une amitié foudroyée.

L’auteur, d’origine taïwanaise, intègre l’université de San Francisco et va faire la connaissance de Ken, un étudiant d’origine japonaise. Ken représente tout ce qu’il déteste. Il aime la musique diffusée à la radio, à l’époque Dave Matthews, la marque de vêtements Abercrombie & Fitch et sa fraternité. A l’inverse, Hua, fils d’immigrants taïwanais, préfère écumer les vendeurs de disques sur la Bay, écouter les groupes indépendants. Il crée les premiers ‘zines sur Internet.

Mais contre toute attente, les deux étudiants se rapprochent et deviennent amis. Les deux jeunes gens adorent discuter, en partant pour de longues virées nocturnes en voiture. Très vite, ils comprennent qu’ils ne se reconnaissent pas dans la culture américaine, celle-ci n’ayant aucune place à leur offrir. A l’époque, les Américains d’origine asiatique sont cantonnés dans des rôles stéréotypés dans les films et les séries (professeur de kung-fu, gérant d’une supérette….). D’ailleurs, en 2025, leur représentation est toujours minime.

Lors de ces longues balades en voiture, Hua en profite pour faire écouter la musique qu’il aime. Les deux deviennent inséparables. Autour d’eux gravite une bande de copains, filles et garçons. Il sont jeunes. Ils étudient à la même époque que moi, aussi je me suis reconnue dans leurs goûts musicaux, leur mode de vie. J’étais étudiante dans une université américaine, aussi je comprends pourquoi ce récit m’a tant touché. A l’époque, on se sentait invincibles.

Mais pour Hua, tout s’arrête brutalement. Après trois années d’amitié, de fêtes, de beuveries, de doutes et de partage, Ken est brutalement assassiné.  Pour rien. Un meurtre gratuit.

Déterminé à ne jamais oublier son ami, Hua noircit des dizaines de cahier. Luttant contre cet oubli programmé, la voix, le rire, le regard de son ami. A l’époque, on utilisait peu la vidéo. Il lui aura fallu 20 ans pour publier ce mémoire. En hommage à son ami, mais aussi au jeune homme qu’il était, et comment cet évènement a modifié énormément sa trajectoire de vie. Comment se reconstruire ? Comment vivre ? Il est décédé juste avant son vingt et unième anniversaire. Comment a-t-il vécu ces derniers instants ?

Le récit est touchant, émouvant. Parfois difficile quand Hua décrit ce qui est arrivé à son ami. Puis il s’attache aux années suivantes,  à sa bande d’amis, leur première réaction, puis le temps qui passe, le passage à l’âge adulte, la fin d’une époque. Et Ken toujours là. Quelque part.

Je comprends mieux pourquoi ce récit a obtenu le Prix Pulitzer. J’ai aussi beaucoup aimé le style. Une écriture fluide sans fioriture. Je comprends mieux l’engouement de Patrick Radden Keefe pour ce livre.

J’ai eu la chance de parcourir la côte pacifique en voiture, et en lisant ce récit, je revoyais ces paysages magnifiques et ressentais à nouveau cette impression de liberté. Ken y vit éternellement à présent.

Il n’a malheureusement pas été traduit en français, mais si vous lisez en allemand, italien ou espagnol, vous pouvez le trouver.

♥♥♥♥♥

Editions Picador, 2022, 197 pages

Photo de Alexandr Voronsky sur Unsplash

Et pourquoi pas

12 commentaires

Sunalee 16 juin 2025 - 17 h 50 min

Tu avais raison il y a quelques semaines en disant que je serais tentée par plein de tes lectures. J’ai beaucoup croisé cette couverture mais je ne m’y suis jamais attardée.

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Electra 17 juin 2025 - 21 h 30 min

oui, j’ai bien peur de te donner pas mal d’envies ! il a obtenu le Prix Pulitzer or je lis rarement les livres primés mais là je me dis qu’il faut peut-être que j’aille voir de plus près leur lauréats …

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Fanja 16 juin 2025 - 20 h 46 min

C’est drôle, en te lisant, je me faisais la réflexion que c’était « dommage » que ce soit un récit. J’ai l’impression que ça aurait pu me tenter en roman. Peut-être parce que ce mémoire me paraît trop intime et douloureux.

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Electra 17 juin 2025 - 21 h 31 min

je crois qu’il aurait pu parfaitement dire que c’est un roman et tout le monde l’aurait cru. Car étrangement, même si l’histoire est triste, elle reste avant tout très belle et lumineuse et m’a rappelée beaucoup de choses. La mort ne prend pas le dessus, bien au contraire.

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dasola 16 juin 2025 - 20 h 56 min

Bonsoir Electra, merci pour ce billet sur un récit qui semble vraiment t’avoir touchée. L’histoire est semble-t-il déchirante. Pour que je le lise, il faudrait qu’il soit traduit en français. Bonne soirée.

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Electra 17 juin 2025 - 21 h 32 min

oui, je ne comprends pas pourquoi il est traduit dans 3 langues mais pas le français … je me dis qu’il faudrait que je me remette à la traduction LOL

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Ingannmic 17 juin 2025 - 13 h 22 min

Ma maîtrise lacunaire de l’anglais et de l’espagnol me donnent quelques regrets, qu’atténue le fait de savoir qu’un titre de Patrick Radden Keefe -noté ici sans doute- traîne sur ma pile depuis un sacré bout de temps..

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Electra 17 juin 2025 - 21 h 34 min

oui, comme toi, le nom de Patrick RADEN KEEFE m’avait pleinement convaincu qu’il fallait que je le lise ! Je comprends mieux pourquoi maintenant. Je l’ai trouvé fort car comme il a mis 20 ans à l’écrire, du coup, on sent le passage du temps et le regard qu’il porte sur sa jeunesse, la personne qu’il était, et forcément ça a résonné avec moi ! C’est ce qui le rend vraiment universel

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Sacha 17 juin 2025 - 21 h 07 min

Bien que je lise peu de récits personnels, celui-ci me tente beaucoup. On ne lit pas si souvent des histoires d’amitié masculine, et le ressenti d’Américains asiatiques m’intéresse notamment depuis ma lecture de Tout ce qu’on ne s’est jamais dit de Céleste Ng.

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Electra 17 juin 2025 - 21 h 36 min

Oui, merci pour cette remarque car oui, les histoires d’amitié masculine, si maintenant elles sont plus souvent racontées dans les films, le sont rarement dans les films. Les séries coréennes en montrent beaucoup à présent mais à l’époque, c’était rare et leurs virées en voiture, leur première rencontre plutôt ratée avant la découverte de l’autre, il le raconte très bien. Il possède en plus un vrai talent d’écrivain. J’espère continuer à lire d’autres écrits, même fictifs de sa part.

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keisha 18 juin 2025 - 7 h 08 min

Tu as bien fait de le reprendre, on sent ton émotion. Je ne connaissais pas ce livre, ce n’est pas un roman, mais cela ne me gêne pas. On attend la traduction, même si un de mes projets est de lire en VO (anglais)

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Electra 18 juin 2025 - 18 h 30 min

oui ! ah beau projet de ton côté ! tu me diras ce qu’il en est !

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