La narratrice, enfant bosniaque (terme utilisé à l’époque), coule des jours paisibles à la campagne et passe tout son temps avec sa meilleure amie. Elles sont inséparables. Elle raconte l’été, sa mère, son frère ainé, ses grand-parents. La vie qui coule paisiblement. Et puis, soudainement, celle qu’on ne nomme pas : la guerre. Elle arrive, elle les déplace, les sépare…
Je m’appelle Ivana. J’ai vécu quatorze étés, et ceci est l’histoire du dernier.
Nous voici prévenus. L’autrice Magdalena Blažević a choisi de dénoncer l’absurdité de cette guerre, sa violence sourde, en choisissant comme narratrice une adolescente pleine de vie, et qui va la perdre. A quel prix ? Pour quelle raison? L’autrice veut dénoncer l’absurdité de cette guerre et la douleur engendrée par sa mort. Elle évoque aussi les déplacements forcés, les conditions de vie soudainement inhumaines, les personnes âgées qui flanchent .. Sans jamais nommer l’ennemi. Mais qu’importe. Ivana voit sa vie totalement basculée.
Le roman se lit rapidement. Le lecteur assiste impuissant à la fin d’une vie paisible.
Nous flottons et oublions. Pensez à quelque chose de beau, chuchote Maman.
L’écriture est poétique, pas très loin d’un lyrisme qui, en tant que lectrice, ne m’a jamais convenu. Je suis plutôt adepte de la simplicité des mots de Maupassant. Mais qu’importe. Ici, ce sont les mots d’Ivana. Les derniers jours d’une adolescente qui voyait les choses à travers cette lumière d’été. C’est magnifique et si triste. L’autrice écrit merveilleusement bien. Je suis là à les accompagner dans leur fuite, à vivre leur douleur lorsque la mort s’invite. Aux côtés de sa mère ou de sa grand-mère, qui lorsqu’elle cuisine ou ramasse des plantes, on peut presque sentir l’odeur des plantes.
Et puis, la fin. Déjà connue mais mal appréhendée. Il était 4h30 du matin. Réveillée en pleine nuit, j’ai repris ma lecture et je l’ai terminée. J’ai forcément pensé à mon amie bosnienne. A ce qu’elle a vécu, à peine plus âgée. A tous ces enfants aujourd’hui qui connaissent la guerre. Un texte court, fort et qui m’a ému. Ce livre a obtenu le Prix Tportal du meilleur roman croate de l’année.
♥♥♥♥
Les éditions Bleu et Jaune, U Kasno Ljeto, trad. Chloé Billon, 2025, 176 pages
Photo de Miguel Alcântara sur Unsplash
4 commentaires
Je crois que ces récits de surgissement de la guerre sont malheureusement universels…
Oui hélas. Un sujet compliqué mais ici très bien traité.
Ouhla, peut-être trop tragique et désespérant pour mes envies du moment (rien que ta première citation…), mais j’imagine comme cette lecture doit être marquante.
Cet éditeur est vraiment très bon dans ses choix. J’ignore si je le lirai, mais je sais qu’il existe.