Un bon jour pour mourir ∴ Jim Harrison

par Electra
5,1K vues

Le bonheur est à portée de main, quand on est à moitié ivre. Tout devient possible sur cette terre.

Jim Harrison

Première lecture de mon challenge Jim Harrison avec le deuxième roman qu’il publie en 1973, Un bon jour pour mourir. J’avais hâte de retrouver ce bon vieux Jim et sa gouaille, et ce fut le cas.

Le narrateur est un homme d’une trentaine d’années, divorcé, père d’une petite fille, qui s’est perdu dans les volutes de l’alcool, de la drogue et des parties de billard. Son seul et unique plaisir dans la vie ? La pêche. L’homme est passionné, de l’Alaska en Floride, des cours d’eau de l’Idaho aux ruisseaux du Montana, il connaît tous les endroits et se plaint déjà de l’impact humain sur la nature. Il pense aux truites et saumons dont les parcours sont semés d’embûche depuis que l’homme a décidé de créer des foutus barrages.

Un soir, dans un bar, il fait la connaissance de Tim, un ancien du Vietnam (nous sommes en 1973). Le jeune homme est survolté: il adore la bagarre, n’a pas peur des coups et semble vivre comme si c’était son dernier jour. Tim s’était engagé une première fois à partir au Vietnam (à l’époque, on s’engageait pour douze mois de combat), à son retour sa petite amie lui avait annoncé qu’elle était enceinte – paniqué il avait préféré s’engager de nouveau. Il fut blessé à plusieurs reprises et revint avec une méchante cicatrice au visage. Les deux hommes deviennent très complices, et Tim lui présente Sylvia, sa fameuse petite amie et entre deux consommations de whisky et d’amphétamines, nos compères décident de mener une mission folle et héroïque : faire sauter un barrage du Grand Canyon !

224 pages de cuites, de gueules de bois, de descente en enfer, de petits comprimés de toutes les couleurs – voilà ce que Jim Harrison nous offre ici. Mais le talent de Jim c’est de faire du narrateur une sorte de double (déjà) de sa personne : un amateur de pêche mélancolique qui tombe raide dingue amoureux de la très belle Sylvia, amoureuse de Tim qui n’en veut plus.

Dans ma mémoire, il y avait deux souvenirs de pluie. Une bruine légère lorsque je m’étais arrêté sous un cognassier en fleur près d’une rivière sombre et boueuse. C’était la nuit et la moiteur de la pluie qui tombait doucement intensifiait encore le parfum des fleurs. (..) L’autre souvenir se situait dans la 57ème rue à New York (…) La pluie était tiède et les rues avaient cette odeur de ciment chaud.

Et on reconnaît déjà le grand Jim dans ses merveilleuses descriptions de la nature, de la pêche, de cette sérénité dans cette vie de débauche. Jim est un poète et ses envolées lyriques donnent de la légèreté et de la grâce à un roman qui aurait pu être lourd et indigeste. Ce roman appartient bien à son temps, les années soixante-dix, les consommations de drogues et la liberté sexuelle, cette libération qui plonge la jeune génération dans une sorte de centrifugeuse temporelle. Car tout le monde ne s’en sort pas. J’ai pensé à Jim Morrison, Janis Joplin – cette liberté a un prix.

Je me suis toujours demandé comment des gens qui ne connaissaient rien à l’ Histoire s’en sortent. Mais j’ai réalisé que lorsque l’on ignore l’histoire, on ne risque pas de se perdre dans ses méandres.

J’ai retrouvé avec un immense plaisir la verve de Jim Harrison, sa poésie, son amour de la vie, des choses de la vie. Ce challenge commence très bien !

 

♥♥♥♥

Éditions 10/18, 2003, A good day to die, trad. Sara Oudin, 224 pages

Et pourquoi pas

20 commentaires

Nicole Dupré 29 janvier 2018 - 8 h 26 min

Tout d’abord merci de m’avoir découvrir Callan Wink et son recueil : Courir au clair de lune avec un chien volé. J’ai énormément aimé alors que je ne suis, en général, pas fan de nouvelles.
En revanche je ne partage pas votre passion pour Jim Harrison, bien que j’apprécie certains de ses livres, comme Un bon jour pour mourir par exemple. Ce qui p’a frappé quand je l’ai lu, il y longtemps, c’est sa proximité avec Le Gang de la clef à molette d’Edward Abbey : même équipée sauvage et déjantée sous prétexte de casser un barrage (ou des ponts) qui dénaturent le désert… mais on ne se prive pas de balancer ses canettes de bière par la fenêtre de la voiture ! Il est vrai qu’au début des années 70, on n’en était qu’au début de l’écologie…. Et que les paradoxes des personnages peuvent constituer un atout romanesque !

Electra 29 janvier 2018 - 9 h 18 min

Dommage ! Avez-vous lu Légendes d’Automne ? Car les nouvelles de Jim Harrison sont magnifiques. Et le personnage de Brown Bear. Ses derniers romans étaient plus en lien avec son âge. Et Dalva ! Pour Callan Wink – un talent immense que ce jeune homme possède ! Pour les années 70, oui il est important de préciser le contexte car les choses ont changé ! J’adore les personnages ici et leurs espoirs.

keisha 29 janvier 2018 - 8 h 41 min

Ah oui, le gang, et les canettes lancée partout! Un de mes livres culte!
Pour Harrison, faut voir, je préfère ses premiers écrits, finalement , donc pourquoi pas celui ci

Electra 29 janvier 2018 - 9 h 19 min

Je pense que ces tous derniers étaient liés à son âge. Ses premiers sont sans doute plus ceux qu’on aime chez lui (avec Dalva en point culminant). Celui-ci est excellent !

Jerome 29 janvier 2018 - 13 h 16 min

Ce bon vieux Jim, je me suis promis de relire Dalva cette année, j’espère pourvoir tenir cette bonne résolution 😉

Electra 29 janvier 2018 - 15 h 45 min

Oh oui ! Je pense le lire au printemps si ça te tente une relecture attendue !

Mingh edwige 29 janvier 2018 - 15 h 14 min

Je lis « Dernières nouvelles » composées de « The Ancient Minstrel » et de « Brown Dog » en traduction de Brice Matthieussent (of course!) et je ne peux m’empêcher d’être un peu déçue. J’aime toujours Big Jim et ai retrouvé cette verdeur de langage qui est sa marque, mais ai une nette préférence pour Dalva et Légendes d’automne.

Electra 29 janvier 2018 - 15 h 45 min

Effectivement le temps a passé et l’écrivain a changé. Avec ce challenge je vais pouvoir apprécier cette évolution

Marie-Claude 29 janvier 2018 - 21 h 30 min

Dalva m’attend toujours!

Electra 29 janvier 2018 - 23 h 19 min

catastrophe ! Je vais le relire dans quelques semaines, si ça te tente !

Tasha 30 janvier 2018 - 19 h 16 min

Je n’ai pas lu Dalva, moi non plus, et pourtant il est sur mes étagères depuis des années. Shame on me!!!

Electra 30 janvier 2018 - 21 h 32 min

ah oui Shame on you !! Je vais le relire d’ici quelques semaines. Quel souvenir !

Virginie 30 janvier 2018 - 7 h 34 min

J’ai toujours un peu de mal avec Jim, à cause du style que je trouve un peu pauvre…(pas taper !!)

Electra 30 janvier 2018 - 9 h 26 min

Si je tape ! Dalva ou ses poésies ou quelques unes de ses nouvelles .. tu as lu quoi de lui ?!

hélène 30 janvier 2018 - 9 h 04 min

Je voulais aussi relire Dalva, si j’ai le temps je vous rejoindrai peut-être

Electra 30 janvier 2018 - 9 h 27 min

Super ce n’est pas pour tout de suite !

Fanny 30 janvier 2018 - 9 h 13 min

Il a l’air de remuer ce roman!
Me laisserai bien tenter, tiens!

Electra 30 janvier 2018 - 9 h 27 min

Oui il remue et rappelle une époque où tout à coup tout semblait permis !

Bonheur du Jour 3 février 2018 - 6 h 39 min

Je n’ai encore rien lu de Jim Harrison et pourtant, ce n’est pas faute d’en entendre parler et d’être attiré par son écriture. Il me faudrait une occasion, peut-être. Il est de toute façon dans mes projets. Merci beaucoup pour les citations que vous proposez. Celle sur la pluie m’émeut tout particulièrement, car j’ai aussi un beau souvenir de pluie sur le ciment chaud d’une grande ville en été.
Bon week end.

Electra 3 février 2018 - 8 h 42 min

De rien ! Il a écrit des textes magnifiques en particulier autour de la nature. Un recueil ou un roman ? Je vais lire chaque mois ses écrits l’un d’eux vous tentera peut-être un peu plus ?

Les commentaires sont fermés