Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent) • Emily Brontë

par Electra
5,4K vues

Après avoir découvert l’œuvre d’Anne, j’ai eu envie de découvrir Wuthering Heights (les Hauts de Hurlevent), signé cette fois-ci d’Emily Brontë. Publié en 1847, sous le pseudonyme d’Ellis Bell. Pour être honnête, je connaissais peu l’histoire d’Heatchcliff et de Catherine. J’avais tellement aimé Jane Eyre, écrit par Charlotte que j’ai longtemps cru que les deux histoires se ressemblaient. Que nenni !

Le plus intéressant fut sans doute d’en parler ensuite à une amie de ma mère qui l’avait lu adolescente et ne s’est toujours pas remis de cette histoire d’amour et du sombre Heathcliff qui l’avait fait rêver. Mon sentiment à l’issue de ma lecture en est tout autre. Je me suis posée la question de l’âge : faut-il être adolescente pour aimer cette histoire ? Parce que, soyons honnête, il s’agit d’ici d’un récit atroce où les personnages rivalisent de cruauté et d’égocentrisme, tout y est sombre et noir et la mort omniprésente. On est loin du romantisme de Jane Austen.

C’est à travers la voix de la gouvernante, Nelly Dean, qu’Emily Brontë raconte le destin tragique de la famille Earnshaw.  Le lecteur oscille entre deux narrateurs : Nelly et le visiteur M.Lockwood et plusieurs époques, celle de la première visite de M.Lockwood, puis le passé de la famille Earnshaw et lors du retour de M.Lockwood quelques temps après sa première visite (une vingtaine d’années).

Attention, je livre ici quelques pans de l’histoire….

La famille Earnshaw vit heureuse dans une belle propriété anglaise. Les enfants Hindley et sa petite sœur Catherine voient un jour leur père revenir chez lui avec un enfant abandonné, âgé de 6 ans (le même âge que Catherine), sans doute bohémien (il a la peau sombre). Le père l’adopte et le nomme Heathcliff. Il  en fait bientôt son préféré au grand dam d’Hindley qui commence à détester cet enfant illégitime. En grandissant, Hindley fera du jeune garçon son souffre-douleur. Mais le jeune Heathcliff est prêt à tout supporter car il a trouvé en Catherine son double – les deux enfants, sont inséparables et développent bientôt des sentiments plus profonds. Les trois enfants sont tous dotés de caractère puissants, chacun porte en lui comme un fond de violence avec un égocentrisme démesuré. Leurs sentiments sont en permanence exacerbés. Le père n’a pas pu empêcher de développer entre sa progéniture ces sentiments de jalousie et de perversion. La famille Earnshaw semble donc vouer à la destruction….

L’adolescence vient faire éclater ce fragile équilibre. Catherine, comme tous les personnages féminins du roman, souffre de l’âge bête : elle est belle et veut épouser un bon parti et rendre jaloux tout le monde.  Elle épouse donc son voisin, M.Edgar Linton, un riche héritier. Son frère Hindley s’est marié également, mais son épouse meurt peu de temps après avoir eu donné un fils, Hareton, à son mari. Ce dernier se réfugie dans l’alcool et ses accès de colère et de violence se multiplient. Catherine avoue à la gouvernante ses sentiments pour Heathcliff mais répugne à épouser un homme peu éduqué (Hindley l’a privé d’éducation) et sans moyen. Heatchliff surprend cette conversation et en est dévasté. Son amour l’a trahi et Hindley ne le laisse pas en paix – il décide de fuir…. Les années passent … Heathcliff revient en homme riche et puissant et prêt à ourdir une terrible vengeance : il ne cessera de détruire tous les Earnshaw et il parviendra presque à ses fins.

Le roman fait un bon dans le temps : seize ans ont passé, et les enfants nés de ces diverses unions malheureuses finiront par contrecarrer le plan diabolique de Heathcliff, qui de son côté, sombre peu à peu dans la folie, se sentant responsable de la disparition de Catherine dont il commence à voir le fantôme…

Emily Brontë offre alors une fin romantique et morale (le Bien l’a emporté). Une fin à laquelle je ne m’attendais après tant de noirceur et de cruautés. Mais l’ombre d’Heathcliff, de Catherine et d’Edgar continue de planer sur la lande….

Que dire ? Que contrairement à ses sœurs, les personnages féminins d’Emily semblent ici être entièrement guidés par leurs sentiments (Catherine, Isabelle, Cathy..) et ne posséder aucune raison. J’avoue que je me suis lassée de voir les demoiselles commettre les mêmes erreurs. Adolescentes, elles sont égoïstes, cruelles et parfaitement stupides. Elles s’amourachent du pire candidat possible, au grand dam de la gouvernante qui ne peut rien faire pour les arrêter. Toutes regrettent leurs actes mais sont incapables de changer et elles en paient toutes le prix fort. A croire que le sexe féminin est vraiment un sexe faible – on est très loin des personnages féminins d’Anne ou de Charlotte, doués de raison et d’une grande rigueur morale !

Je n’ai  donc trouvé aucun personnage féminin attachant et je n’ai jamais ressenti de l’empathie pour leur malheur. Quant aux personnages masculins, je ne comprends pas, qui, adolescente ou adulte, peut éprouver le moindre sentiment pour ces hommes profondément cruels et égocentriques. Heathcliff en étant le pire représentant. Un homme qui passera vingt ans de sa vie à se venger. Jamais une once de compassion ne semble traverser son esprit – les hommes ici se sentent tous trahis par le sexe féminin et vouent à la destruction leur famille ou leur propre personne. On sait qu’Emily, comme sa sœur Anne, pensaient à leur frère Branwell qui perdit fortune aux jeux et buvait hors de raison lorsqu’elle décrit certains personnages mais chez elle, cela ressemble à une épidémie.

Il en va ainsi d’Hindley dont les accès de colère et l’alcoolisme effraient toute la famille. J’ai ressenti de la peine pour lui car il représente l’enfant dont a volé l’amour parental et dont la haine causera sa perte.

Reste Hareton, le fils d’Hindley, victime de cette folie familiale, élevé comme un serf, maltraité par tous, il finit par se révéler au fil du temps comme le seul être digne et sensible dont l’orgueil est ici, utilisé à bon escient. Car chez Emily Brontë, les personnages sont tous détruits par leur orgueil démesuré. Femmes ou hommes, ce trait de caractère semble les guider dans leurs actions.

J’ai failli arrêter ma lecture au deux-tiers tant j’étais épuisée par tant d’égocentrisme et de noirceur, mais j’ai voulu connaître la fin. Pour moi, il n’y pas point de romantisme dans ce roman. Dois-je préciser que je l’ai lu dans sa version originale, en anglais, dans sa version d’origine – peut-être qu’avec le temps, les sentiments de violence ont été estompés par de multiples corrections et traductions mais dans ici les personnages sont infects. Et aucun, sauf Hareton (ou le pauvre Edgar) ne mérite que l’on s’y attache ou attarde. L’amour naissant à la fin du roman est traité trop rapidement et on ne saisit pas trop bien comment la jeune femme qui ne cessait de se moquer du jeune homme peut du jour au lendemain éprouver de l’amour pour lui. Mais il s’agit ici d’un autre aspect du sexe féminin : un caractère de girouette 😉

Pour l’histoire d’amour tragique entre Catherine et Heathcliff, je n’ai rien ressenti ! Je l’ai trouvée peu développée et voir Catherine mourir d’amour m’a laissé, j’avoue, totalement insensible. J’ai vraiment l’impression en tapant ces mots d’être passée totalement à côté de ce roman. Les deux-tiers du roman étant consacrés aux cruelles désillusions des personnages et au naufrage de cette famille.

Fort heureusement, je peux me replier sur les œuvres des autres sœurs Brontë dont l’excellent Jane Eyre.

Pour la langue, j’ai eu l’impression qu’Emily était beaucoup plus âgée que sa sœur Anne ou qu’elle n’écrivait pas à la même époque, ce qui est faux puisque leurs romans ont été publiés à un an d’écart. Son style est cependant fluide et porte bien la tension permanente qui règne dans ce roman. Je pense cependant qu’il est plus difficile à lire pour ceux qui ne maitrisent pas totalement la langue anglaise. Autre bémol : l’auteur avait tendance à passer du prénom au nom de famille or plusieurs personnages s’appellent Earnshaw, aussi il m’était parfois difficile de savoir qui parlait – le père ou le fils. Je finissais bien par le savoir compte tenu de la teneur de leurs propos mais cela rendait la lecture plus difficile.

♥♥

Wuthering Heights, Emily Brontë, Editions Penguin Classics, 416 pages

Et pourquoi pas

20 commentaires

Hélène 7 octobre 2015 - 8 h 38 min

« Jane Eyre » reste mon préféré des soeurs pour le moment !

Electra 7 octobre 2015 - 11 h 56 min

Oui moi aussi !

keisha 7 octobre 2015 - 9 h 20 min

Ouh là, qu’on est sur la même longueur d’ondes!!
Mon billet
http://enlisantenvoyageant.blogspot.fr/2015/06/les-hauts-de-hurle-vent.html
Je l’ai lu récemment, tu vois, donc pas du tout adolescente et jamais je ne saurai quelle aurait été ma réaction si je l’avais lu à l’âge des protagonistes principaux… (avant 20 ans) Mes réactions face à ce roman ont été les mêmes que les tiennes, alors je me sens bien confortée.
Bonne nouvelle, j’ai terminé The tenant of WH, en VO! (j’ai lu Les hauts de HV en français, j’ignore si ça a de l’importance) et je l’ai dévoré!!! Grâce à toi! J’ai uen grosse envie de lire Agnès Grey maintenant. Gilbert a un peu un côté foufou qui s’emballe, au départ, mais on est loin loin de Wuthering Heights. Bref, j’ai adoré cette lecture et je n’étais pas loin de ronger mes ongles dans les dernières pages… (la scène de la rose de noel fait du bien aux coeurs romantiques, non?)
J’aurai une question : Helen n’assiste pas au mariage de son frère, alors? était ce une habitude de l’époque? Ni à celui de sa meilleur amie?

Electra 7 octobre 2015 - 12 h 05 min

Ah je viens de lire ton billet et oui : même avis ! Je me sens moins seule face à ce livre culte ! sans doute reflétait-il la naissance du mouvement romantique (gothique) ce qui explique son succès mais moi j’en sors plutôt refroidi !
Oh trop contente que tu aies lu et aimé The Tenant ! Même si son côté religieux est parfois ennuyant, j’ai aussi beaucoup aimé et tu as vu les femmes sont nettement plus intelligentes qu’ici !
Les deux soeurs devaient avoir des discussions intéressantes sur leur vision de la femme 😉

Moi aussi, prochaine lecture « classique »: Agnès Grey.
Je crois qu’à l’époque, les moyens de transport, la météo incertaine faisant, les gens se déplaçaient peu et puis les mariages n’étaient pas aussi festifs et puis c’était surtout une cérémonie religieuse, donc ça ne m’a pas étonné plus que ça.

keisha 8 octobre 2015 - 16 h 27 min

Et puis Helen et sa tante sortent sans doute peu à cause des décès précédents (je ne spoile pas trop).
Finalement, je préfère les romans où peut être il y a moins de ‘souffle’ mais où les personnages sont plus matures et évoluent…
I am ready for Agnès grey (ah mais rien à la bibli, ça ne va pas du tout! ^_^)

Electra 7 octobre 2015 - 12 h 07 min

Oh pour le niveau d’anglais, tu peux lire WH en anglais mais je le trouve moins académique que celui de sa soeur et tous les extraits où l’homme d’entretien de Heathcliff (Joseph?) parle, peuvent être difficilement compréhensibles pour ceux qui ne maitrisent pas très bien l’anglais.

quaidesproses 7 octobre 2015 - 13 h 09 min

Alors, alors… je le disais chez Suzanne, je l’ai lu il y a quelques années, disons à 20 ans, et je l’ai clairement Abandonné. On me l’avait vendu comme étant : « La plus belle histoire d’amour. » et Mandieu la déception. Je ne pouvais pas. Je me suis même dit « mais mince, pourquoi ça fonctionne avec tout le monde sauf avec moi! » Je rejoins donc entièrement ton avis, même si… je ne l’ai jamais terminé.
Ceci étant dit, je me suis jurée d’essayer une nouvelle fois… laissant les années passer. Qui sait, j’apprécierai peut-être mieux.

Electra 7 octobre 2015 - 14 h 30 min

Abandonné ? j’ai failli le faire au deux-tiers mais j’étais curieuse de connaître la fin de l’histoire !
Bon, moi je me dis : un classique de plus de lu mais il restera comme une grosse déception.

Jerome 7 octobre 2015 - 13 h 20 min

Jamais lu les sœurs Brönte. Je crois que j’en ai même pas envie 😉

Electra 7 octobre 2015 - 14 h 31 min

Je te comprends ! Honnêtement, je pense que tu pourrais aimer Jane Eyre mais les autres……..

Marie-Claude 7 octobre 2015 - 14 h 55 min

Que de souvenirs… Plongée dans mon adolescence égocentrique, romantique et mélancolique!
Je me demande si ce roman passerait le test aujourd’hui!
Les trois soeurs Brontë me fascinaient. Jane Eyre emporte toujours ma faveur!

Electra 7 octobre 2015 - 16 h 04 min

Je crois qu’ado, on n’a pas la même lecture ! mais c’est quand même très torturé 😉 Je reste sur Jane Eyre pour le moment.

keisha 8 octobre 2015 - 16 h 28 min

Question langue, heureusement que le cocher n’est pas trop intervenu, là j’avais du mal (pourtant Gaskell dans North and South, ça pouvait être coton, mais j’y suis arrivée)

Electra 8 octobre 2015 - 16 h 59 min

Oui ici c’était le plus difficile et d’avoir des Linton ou des Catherine ou des Earnshaw à toutes les sauces 😉

chinouk 10 octobre 2015 - 17 h 14 min

C’est un roman que j’ai énormément aimé ! je l’ai lu il y a 2-3 ans je crois, et vraiment tout m’a plu dans ce roman, les personnages, l’ambiance, le climat. D’ailleurs j’ai bien envie de m’y replonger. Par contre j’ai détesté Jane Eyre j’ai du lutter énormément pour le finir, ce livre me tombait des mains des que je l’ouvrait 🙂 comme quoi 🙂

Bizh

Electra 11 octobre 2015 - 9 h 18 min

Oh excellent ! C’est bien que tu défendes ce livre car comme tu peux le voir, ici nous n’avons pas du tout accroché ! Et moi j’ai adoré Jane Eyre (que j’ai très très envie de relire) !
Tu es donc de ceux qui font de ce livre un classique (avec l’amie de ma mère) 🙂

mais c’est comme pour le livre de Goolrick, je sais à présent que je n’aime pas les romans trop « drama »
donc n’hésite pas à le relire, moi je vais relire Jane Eyre !

Yv 10 octobre 2015 - 18 h 01 min

Jamais lu aucune des sœurs Brontë, mais j’ai écouté et continue de la faire la très belle chanson de Kate Bush, Wuthering Heights, c’est tout ce que je me sens capable de faire

Electra 11 octobre 2015 - 9 h 14 min

Je crois que leurs oeuvres très romanesques peuvent rebuter certains lecteurs. Ici, trop de drama pour moi ! Je préfère la sobriété de Jane Eyre ou de The Tenant of Wildfell Hall.
Je me suis mise en tête de lire pas mal de classiques, donc il faut bien passer par là 😉

Nelfe 27 novembre 2015 - 14 h 43 min

Effectivement, j’étais passée à côté de ta chronique 😉
Alors, comme tu le sais, je l’ai lu il y a peu et de mon côté, ce n’est pas un coup de coeur (loin de là) mais j’ai apprécié cette lecture. Il faut la remettre dans le contexte. Je l’ai lu pour un Book Club, je ne lis pas beaucoup de classique (très peu) et ce qui m’a attiré n’est pas tant l’histoire d’amour mais la destruction dans une lande battue par les vents. Le côté huit-clos, retiré du reste du monde.
J’ai déteste Heathcliff également, les filles sont des tartes et ça transpire la violence et la noirceur mais j’aime le mécanisme d’autodestruction qui ressort de ce roman, un fatum qui plane sur la propriété…
Bref, une belle découverte pour moi. Il ne me reste plus qu’à m’attaquer aux autres soeurs alors 😉

Electra 28 novembre 2015 - 12 h 14 min

Ah oui si tu cherchais la destruction, tu as du être ravie ! Et oui la lande, le temps instable …
J’adore ta description des personnages (dommage qu’elle ne soit pas dans ton billet) tu m’as bien fait rire ! Oui pour la noirceur et la violence !

Vas-y pour les autres soeurs, elles ont un style différent et moins de noirceur (et l’une plus pieuse)

Les commentaires sont fermés