The Handmaid’s Tale ∴ Margaret Atwood (La servante écarlate)

par Electra
22,2K vues

Comme je vous l’ai annoncé dans mon billet Miscellanées, j’ai écouté ce roman. Je ne l’ai pas lu.  Mon premier livre audio avec la formidable Claire Danes aux commandes. J’avoue que ce choix sied parfaitement à ce roman. En effet, le lecteur découvre le témoignage d’une jeune femme, prénommée Offred. Celle-ci raconte son histoire dans des cassettes audio qui sont découvertes une trentaine d’années plus tard.

The Handmaid’s Tale est un roman dystopien de Margaret Atwood, publié en 1985 et deux ans plus tard en France. L’action se passe aux environs de 2005, dans la république de Giléad. Une dictature théocratique militaire qui a renversé le gouvernement américain. Ce mouvement fondamentaliste, du nom de « Sons of Jacob » (Les fils de Jacob) a suspendu la constitution américaine et a rapidement supprimé les droits des femmes en leur interdisant de travailler, puis en gelant leurs comptes bancaires.

Inspiré de l’Ancien Testament, le nouveau régime a divisé la population en classes sociales. Par exemple, les Juifs ont été « invités » à quitter le pays ou à rejoindre la religion dominante, pareil pour les Catholiques ou les Quaker. Les résistants ou ceux qui ont tenté de fuir à l’étranger sont pendus et leurs corps laissés à la vue de tous. Et les impurs sont envoyés dans les « Colonies » (camps de travail forcés). L’histoire est racontée à la première personne par une femme à qui on a donné le nom d’Offred – littéralement Of-Fred (appartenant à Fred). Elle appartient à une catégorie de femmes, les « Handmaids » (servantes) dont l’unique mission est de servir de mère porteuse pour les élites. En effet, la fertilité a tragiquement chuté, due à la pollution et aux maladies sexuellement transmissibles. Offred raconte son passé, car elle fait encore partie de cette génération qui  se souvient de sa vie avant le coup d’état. Elle se souvient de son enfance, de son adolescence et puis de sa vie de femme mariée, et de mère d’une petite fille. Tout au long du roman, on découvre peu à peu ce qui s’est passé lorsque les Fils de Jonas ont pris le pouvoir. Elle a tenté de fuir avec Luke, son mari et leur fille au Canada. Malheureusement, ils ont été arrêtés et séparés.

Depuis, Offred ignore tout de ce qui est arrivé à son époux et à sa fille. Est-il mort sous les balles qui ont été tirées ce soir-là ? ou arrêté puis torturé et pendu devant tous ? Où se trouve sa petite fille ? Se souvient-elle d’elle ? Offred a failli être envoyée dans les Colonies ayant été jugée impure – en effet, Luke avait quitté sa femme pour elle mais Gilead a déclaré nul tous les divorces et le voici donc bigame, et Offred jugée impure.

L’histoire se situe lors de sa troisième affectation en tant que servante – cette fois-ci pour porter les enfants du Commander nommé Fred (Of-Fred). Celui-ci est marié à la belle Serena Joy, considérée comme stérile. Offred nous offre des flashbacks de son passé de femme heureuse et libre, puis celui des mois d’endoctrinement qu’elle a du subir il y a plusieurs années. Auprès de Aunt Lydia (Tante Lydia) qui, dans un discours très moralisateur et religieux, les assenait de leçons pour leurs futures vies de servantes. Offred résistait, en autre, au côté de Moira, sa meilleure amie (une lesbienne rencontrée à l’université). Celle-ci finit par prendre une décision irréparable pour fuir ce lavage de cerveau.

Dans sa nouvelle vie, tout est ordonné, organisé. Offred ne peut faire confiance à la cuisinière ou aux autres domestiques, elle a cependant découvert en la personne de Nick, l’un des chauffeurs du commandeur, un allié. Le Commandeur a interdiction de communiquer avec elle. Même lors de la « cérémonie », le terme officiel pour l’accouplement qui se fait en présence de l’épouse. Offred se confie : « je ne suis qu’un utérus, un ventre, entre deux cuisses« . L’épouse tient fermement les mains d’Offred pendant l’accouplement. L’acte est brutal et Offred tente de s’isoler mentalement. Ce chapitre fait vraiment froid dans le dos. Et il n’est pas le seul!

L’un des autres personnages phare du roman est Ofglen, une autre servante écarlate qui l’accompagne chaque jour faire les courses. Les jeunes femmes vont sympathiser. Elles ne sont pas supposées communiquer mais Ofglen se rapproche un jour d’Offred et lui confie qu’elle fait partie du mouvement de résistance, appelé Mayday. Mais Offred ne pense plus à s’enfuir car le Commandeur a outrepassé ses droits et la fait venir le soir tard dans son bureau, lui offrant le plus précieux : la possibilité de lire à nouveau et d’écrire. Choses interdites aux femmes de tout rang. D’ailleurs l’ancienne faculté et son immense librairie ont été transformées en centre d’internement. Les livres brûlés.

Que dire ? Sinon que le roman de Margaret Atwood sonne mystérieusement d’actualité à notre époque ? Face au retour de ces fanatiques, ce roman nous rappelle à quel point nos droits élémentaires et ceux des femmes en particulier, sont fragiles.

Le roman, je l’avoue, m’a donné parfois des frissons lorsqu’Offred analyse avec la rigueur d’un médecin légiste, la perte fondamentale de nos droits, comme si chaque membre, chaque organe prélevé, était un droit fondamental, nous était ôté et nous laissait telle une coquille vide.

Claire Danes interprète magnifiquement Offred, mais aussi la terrible et effrayante Aunt Lydia dont les propos m’ont donné parfois des envies de meurtre. S’agissant de cassettes, le livre audio reproduit parfaitement le son d’une cassette que l’on met en marche ou sur stop et participe à l’atmosphère très spéciale du livre. Comme lorsqu’il reproduit le son des choses interdites : la musique par exemple. Le livre audio offre également une interview de Margaret Atwood qui comment lui est venu à l’idée d’écrire cette histoire. En 1984, elle vivait à Berlin Ouest, et avait eu à plusieurs reprises l’occasion de passer derrière le rideau de fer et de voyager. Elle se souvenait de ces femmes silencieuses, de ces regards – l’impossibilité pour ces personnes de parler librement. Elle voulait que tout soit vrai, ici pas de futur « imaginaire ».  Tout ce qu’elle cite a déjà eu lieu dans l’histoire de l’humanité. J’ai ainsi beaucoup pensé à la dictature en Argentine et les bébés volés et offert à la classe dominante, ce qui est aussi le cas ici. Son interview est très intéressante et surtout lorsqu’elle relie son ouvrage au monde actuel.

J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur. Elle sait comment faire ressentir au lecteur la perte de ses droits fondamentaux, l’atmosphère tendue, la peur d’être découverte à chaque instant.

Le roman est actuellement diffusé aux États-Unis sous forme de mini série – ce n’est pas Claire Danes mais Elizabeth Moss qui interprète Offred (cf. images). J’ai vraiment envie de voir cette adaptation.

Je n’ai donc pas le livre sous la main, je me sens étrangement « orpheline ». J’ai beaucoup aimé la version audio, puisqu’il y a une seule et unique narratrice, Offred et sa voix m’était devenue si familière. La fin est ouverte et moi je reste optimiste. D’ailleurs, pensez « cassettes » et vous saurez pourquoi.

En attendant, je pense commander la version écrite (en anglais également), car cette histoire m’a profondément marquée, en tant que femme et en tant qu’individu doué de pensées. Je ne connaissais pas Margaret Atwood et je cherchais bien avant la série à la découvrir. J’avoue que cette dystopie m’avait effrayée et j’avais préféré acheter, lors de mon séjour à Paris en mars, un autre roman de l’auteure canadienne, Alias Grace, (Captive en français) et j’apprends qu’il va être adapté au cinéma très prochainement!

J’ai dorénavant hâte de découvrir ses autres écrits. Si êtes tenté, sachez que Claire Danes s’exprime très bien, en articulant (le rythme lent joue beaucoup pour retranscrire les émotions et les pensées d’Offred).

♥♥♥♥♥

Livre audio, Edition Spéciale Audible, 2017 

Et pourquoi pas

26 commentaires

Marie-Claude 22 juin 2017 - 3 h 21 min

Bon ben… faudrait bien que je m’y mette. J’ai toujours eu des réserves (elle me fait un peu peur, sans que je saches trop pourquoi) face à son oeuvre.
La série me tente bien aussi.
Sublimes photos, en passant.

Electra 22 juin 2017 - 7 h 09 min

Merci ! Effectivement le sujet est fort, et la version audio encore plus mais je suis étonnée qu’elle te fasse peur ! Tu aimerais, j’en suis certaine.

keisha 22 juin 2017 - 6 h 51 min

Oh je l’ai lu, ainsi que plein d’autres de l’auteur, crois moi, continue à la découvrir!

Electra 22 juin 2017 - 7 h 10 min

Oui, j’ai Alias Grace dans ma PàL – donc je ne vais pas la lâcher ! Elle est très intéressante.

Fanny 22 juin 2017 - 7 h 28 min

Tu n’es pas la première à en parler avec autant d’enthousiasme, il faut que je me penche sur ce livre!

Electra 22 juin 2017 - 11 h 34 min

Oui, je pense que c’est un livre « incontournable » – il m’en reste plein à lire, mais celui-ci est formidable même s’il est parfois glacial.

Fanny 22 juin 2017 - 20 h 04 min

Attendrais-je sa sortie en biblio? Ou me laisserais-je tenter par un achat….

Electra 22 juin 2017 - 20 h 06 min

Ah ah !

Fanny 22 juin 2017 - 20 h 48 min

Je pensais que tu allais m’aider!

Electra 22 juin 2017 - 22 h 32 min

Désolée

La Rousse Bouquine 22 juin 2017 - 9 h 39 min

Je suis trop contente que tu l’aies lu !
C’est pour moi aussi un roman marquant, que je compte garder dans ma bibliothèque un bon moment. Je l’avais étudié à l’université l’an dernier (un super cours) et depuis j’y repense très souvent.
La série n’est pas toujours fidèle au roman originel, mais je te la conseille, l’atmosphère du livre est quand même très bien représentée !

Electra 22 juin 2017 - 11 h 35 min

la série doit faire preuve d’ingéniosité et surtout ne devrait durer qu’une saison .. donc j’imagine qu’ils ont pris des libertés mais sinon oui un livre très marquant, en tant que femme, sur nos droits et puis la situation actuelle aux USA.
Et Claire Danes est formidable !

Jerome 22 juin 2017 - 12 h 26 min

J’ai l’impression que c’est déjà un classique même s’il n’a été publié qu’il y a 30 ans. Et je veux bien croire que ce soit une lecture marquante.

Electra 22 juin 2017 - 14 h 26 min

oui tu as tout à fait raison ! l’interview est très intéressante, car il est aujourd’hui fortement d’actualité et elle avait suggéré que l’époque où se passait son roman était la nôtre. Le roman explique comment les gens peuvent finir par accepter un régime totalitaire (comme les Allemands à l’époque d’Hitler) et ensuite nous fait ressentir la perte de nos libertés fondamentales, le manque .. la sensation d’étouffer. Il est très marquant !

Valentine Pumpkins 22 juin 2017 - 17 h 28 min

Je viens de finir le roman (en français) et la série (que je te conseille fortement, elle va un peu plus loin que le livre et les rôles sont parfaitement interprétés !) et je suis dans un état second depuis, comme hantée par les personnages, par Gilead. C’est vraiment un chef d’oeuvre.

Electra 22 juin 2017 - 18 h 02 min

Ah oui ! Hantée est le bon mot. La voix de Claire Danes (Offred) m’a longtemps habitée !

Valérie 22 juin 2017 - 22 h 31 min

Ce roman reste l’un de mes livres de chevet.

Electra 22 juin 2017 - 22 h 32 min

Oui il doit toujours rester proche !

Eva 23 juin 2017 - 16 h 27 min

ça a l’air absolument génial! je n’ai lu qu’un seul roman de Margaret Atwood pour le moment, et il ne m’avait pas vraiment plu (Captive), c’est donc une auteure que j’avais mise de côté pour le moment, mais ce thème m’intrigue vraiment…par contre je le lirai en version papier, ma période audio semble révolue…

Electra 23 juin 2017 - 18 h 38 min

J’étais certaine que tu l’avais lu ! Et te connaissant tu vas adorer ! Je l’ai commandé en papier car je suis certaine de vouloir Le relire ! Il est très important pour nous en tant que femmes

athalie 11 juillet 2017 - 9 h 55 min

Un incontournable ! Il fait froid dans le dos, c’est vrai, mais pour la bonne cause. Je me demande comment la série pourra retrouver cette atmosphère de huis clos étouffant ?

Electra 11 juillet 2017 - 11 h 34 min

Apparement elle est de qualité mais ils ont modifié pas mal l’histoire pour faire durer l’intrigue.

Mingh edwige 4 décembre 2017 - 16 h 45 min

Je retombe un peu par hasard sur ton billet. J’ai vu la série (et j’ai eu du mérite de tenir jusqu’à la fin !) Comment dire, je sais que l’ensemble des critiques est dithyrambique… Le jeu d’Elisabeth Moss est en effet remarquable; les images très fortes et souvent dérangeantes, mais j’ai décroché… 10 épisodes c’est effectivement trop long. J’ai encore à voir la suite de Alias Grace, je n’ai vu que le début. L’histoire est totalement différente ( inspirée d’un fait divers) moins stressante que The Handmaid’s tale. Il semblerait que tout le monde se mette à découvrir Margaret Atwood et ce n’est pas plus mal !

Electra 4 décembre 2017 - 17 h 01 min

Oui, c’est étrange car à la fin de l’audio book, on a une interview d’elle et elle ne s’imaginait toute cette frénésie autour de son œuvre mais l’arrivée de Trump au pouvoir à pousser les Américains à revoir certains classiques (comme 1984). Je suis tentée par la série mais ce que tu dis me semble inquiétant. Je sais que pour faire « durer » la série, ils ont du inventer des scènes et des personnages qui n’existent pas dans le livre. Finalement, je suis heureuse d’avoir « lu » le livre ! Je veux voir Alias Grace, mais pareil j’ai le livre et je souhaite le lire avant 😉

Céline 5 février 2018 - 18 h 00 min

Je ne pense pas que je pourrais lire – ou écouter- ce livre, malgré toutes ses qualités. J’ai regardé 10 minutes de la série et j’ai du stopper net, le sujet est trop insoutenable pour moi.

Electra 5 février 2018 - 19 h 39 min

Effectivement, je n’ai pas vu la série donc j’ignore sur quelle scène elle s’ouvre mais oui le sujet est grave et l’audiobook renforce cette sensation de danger, de totalitarisme … Il y a aussi des livres que je croise sur IG que je ne souhaite pas du tout lire non plus !

Les commentaires sont fermés