Le goût des jeunes filles ∴ Dany Laferrière

par Electra
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C’est à l’aéroport de Pointe-à-Pitre que j’ai cherché un roman pour occuper mon vol de retour. J’avoue que le choix n’était pas vraiment à l’heure, sauf pour le rayon sur les auteurs originaires des Caraïbes. Je n’avais jamais lu de roman de Dany Laferrière et j’ai j’ai choisi Le goût des jeunes filles.

Haïti 1968 – Notre héros, jeune adolescent surnommé Vieux OS est venu s’installer chez sa mère, dans une maison de Port-au-Prince. Il y vit avec ses tantes qui le protègent jalousement. Le jeune garçon a eu vite fait de remarquer que dans la maison d’en face, vivent des jeunes filles, toutes plus sensuelles les unes que les autres. Un soir, son ami l’embarque dans une mésaventure où il menace un tonton macoute (maquereau) et fait croire à Vieux Os qu’il a l’a durement amoché. Craignant pour sa vie, notre héros se réfugie chez Miki, la jeune femme d’en face. De là, il peut voir sa mère et ses tantes s’inquiéter vivement de sa disparition et en même temps, il découvre le monde caché de ces jeunes femmes.  Dans cette atmosphère propre à Haïti, la chaleur qui ralentit le temps, les mouvements, les odeurs, la musique et surtout la sensualité de ces femmes, Vieux Os va découvrir son propre désir et se lancer dans la conquête de la sensualité.

Dany Laferrière apporte de la profondeur à son récit, en situant son roman des années plus tard, à Miami, où ses tantes et sa mère se sont installés. Au travers d’un magazine où l’une des jeunes filles de son adolescence apparaît en photo, notre protagoniste se remémore cet été particulier.  L’auteur apporte également au récit le regard, à travers son journal, de Marie-Michèle, 17 ans, qui cache à ses copines ses origines privilégiées et raconte ainsi cette société haïtienne, à l’époque où le dictateur Duvalier est au pouvoir. Marie-Michèle vit dans les quartiers huppés de Port-au-Prince, comme cette partie de la population noire mais à la peau claire qui a émergé lors de l’indépendance. Dans ce journal intime, Marie-Michèle confie ses espoirs et rejette le modèle féminin de sa condition. J’ai vraiment aimé la lire.

C’est ce sens de l’observation qui m’aide aujourd’hui à ne pas répéter les faux pas. (…) surtout à prendre constamment du recul par rapport à ce que je vis. (..) Il y en a qui font des exercices pour garder la forme physique, le journal m’aide à garder la forme mentale.

Une superbe chronique haïtienne où l’auteur exalte nos sens avec ces jeunes femmes (Choupette, Marie-Erna, Marie-Flore, Pasqualine la superbe et Miki qui mène le bal).  Ces jeunes femmes insolentes embrassent la vie, elles s’étourdissent à danser, à jouir de la vie avec leurs maigres revenus. Elles n’obéissent à aucune loi, elles créent leur propre univers où elles mènent les tontons macoute par le bout du nez. Marie-Michèle se sent ainsi profondément libre et Vieux Os découvre le corps des femmes, leurs désirs et leurs rêves. Loin de ses tantes ou de sa mère, Vieux Os découvrent à quel point les femmes sont fascinantes. Et comme le dit l’éditeur, plus encore qu’un roman d’initiation, le Goût des jeunes filles est un roman d’exaltation.

Les gens placent toute leur confiance dans le soleil capable de leur insuffler l’énergie qui leur permettra de traverser la longue journée. La nuit n’apporte rien de bon. Seuls les chiens maigres ou les oiseaux de malheur trainent dans les rues (…) Le rendez-vous avec la mort se prend à l’aube.

Un roman qui est également une véritable déclaration d’amour pour un pays, Haïti, que l’auteur a du quitter à l’adolescence. On ressent aussi l’énorme affection que l’auteur porte à sa famille, à ses tantes et à sa mère. Au tout début du roman, il les remercie, et j’en profite pour lui dire également merci !

A tous ces hommes, à leur manières sincères, courageux et honnêtes, qui trouveront un jour, j’espère, leur chantre. Pardonnez-moi de le dire ici : seules les femmes ont compté pour moi.

♥♥♥♥

Editions Gallimard, Folio Poche, 2009, 393 pages

Et pourquoi pas

11 commentaires

keisha 22 janvier 2018 - 9 h 49 min

Donc bonne pioche, quoi! Tu n’avais pas prévu assez de lecture, si j’ai bien compris.

Electra 22 janvier 2018 - 12 h 03 min

Si mais pas assez ! j’avais emporté 4 livres, j’en ai racheté un (Lila de M.ROBINSON) mais je ne pensais pas le finir avant mon départ et si…résultat, me voilà à l’aéroport au point Relay et le choix était … plus que restreint mais oui bonne pioche au final !

Fanny 22 janvier 2018 - 10 h 50 min

Ca me plairait bien de découvrir ce qui se cache en Haïti!

Hélène 22 janvier 2018 - 10 h 52 min

Tu mes donnes envie de relire cet auteur !

Electra 22 janvier 2018 - 12 h 37 min

Ah super ! C’est vrai que sa prose est très belle

luocine 22 janvier 2018 - 11 h 24 min

j’aime beaucoup cet auteur et j’aime aussi son personnage il est toujours simple t gai et cela n’empêche pas qu’il soit très profond évidemment.

Electra 22 janvier 2018 - 12 h 39 min

Oui j’aime aussi le personnage et la carrière derrière et le regard sur les femmes de sa vie

Marie-Claude 23 janvier 2018 - 1 h 26 min

Tu m’étonnes, là… Je ne pensais pas que c’était ton premier Laferrière. C’est bien tant mieux! Il t’en reste plusieurs à découvrir… Celui-ci était d’ailleurs une parfaite entrée en matière.

Electra 23 janvier 2018 - 6 h 41 min

Merci si mon tout premier comme quoi ! Sans le
Peu de choix au relay ou mon absence de lecture je ne l’aurais pas lu !

La Rousse Bouquine 24 janvier 2018 - 13 h 50 min

On vient de me l’offrir (dans la jolie édition Zulma en plus). Tu me donnes envie de le sortir de ma PAL plus vite que prévu !

Electra 24 janvier 2018 - 16 h 30 min

Ah chanceuse ! Il devrait te plaire, on va dans un pays chaud avec de jolies filles et les souvenirs de l’auteur sur ses tantes et sa mère sont touchants.

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