Les caractéristiques de l’espèce ∴ Nathan Sellyn

par Electra
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Dans le cadre du challenge #maiennouvelles, voici le recueil de Nathan Sellyn qui m’a renversé ! Je n’avais pas lu la quatrième de couverture (une habitude que je conseille vivement de prendre…) et donc pas vu ces éloges qui résument parfaitement mon sentiment après la lecture de ce recueil. Une claque, un coup de poing comme dirait Marie!

Situées à Vancouver ou Montréal, les nouvelles de Nathan Sellyn vous embarquent aux côtés de personnages à l’apparence normale mais qui très vite révèlent leur noirceur. J’ai immédiatement pensé à Raymond Carver pour la puissance de ces nouvelles. Publiées en 2006 par l’auteur canadien à peine âgé de 24 ans, elles sont provocantes et même dérangeantes. Chacune vous retourne le ventre et qu’est-ce que ça fait du bien !  Et l’une des meilleures ne fait que trois petites pages ( A votre bon coeur) !

13 nouvelles et je vous défie de ne pas les aimer, la version originale avait choisi de mettre Animaux indigènes (Indigenous beasts) en avant, Francis Geffard aura choisi la dernière Les caractéristiques de l’espèce dont le titre  semble rappeler que l’homme est une espèce.

J’aurais pour ma part probablement choisi le titre de la première nouvelle, Ici vivent des montres car le fil conducteur de ce recueil est l’instinct animal qui guide ces hommes. Car Sellyn ne vous emmène jamais où vous pensez aller, que ce soit en une vingtaine de pages ou en trois pages. De la noirceur, il y en a ! Mais elle est tellement bien amenée, et on se surpris, comme cet homme, a épier ce revendeur de drogues en sachant pertinemment ce qui va lui arriver. Et quand les coups pleuvent, on ne sait plus de quel côté notre coeur balance, encore moins notre conscience !

Sellyn réussit à mettre le lecteur au premier plan devant ces hommes dont les actes ou les pensées ne vous laisseront pas indifférentes, vous mettront probablement mal à l’aise. Ces nouvelles sont dérangeantes mais totalement maîtrisées, comme le dit son éditeur, son style et son univers subjuguent par leur variation particulière.

Ces nouvelles évoquent les frustrations humaines, la colère, la haine ou parfois révèlent subitement la noirceur des personnages. Elles évoquent la jeunesse dorée qui s’adonne à la drogue ou celle, à l’inverse, populaire, qui s’en prend à l’adolescent différent, à ce jeune qui découvre son homosexualité et à l’homophobie. L’une des nouvelles vous fait douter tout du long du personnage secondaire (un jeune qui veut passer la frontière) avant de mettre le lecteur face au véritable ennemi …

La batte (…), cadeau de mon grand-père, est enveloppée dans une couverture entre les deux sièges avant de mon pick-up. Ce soir, je m’en servirais pour briser tous les os de Danny Marconi. Je le battrai jusqu’à ce que sa chair soit réduite en purée, jusqu’à ce que chacun de ses os craque comme un double en champ centre, jusqu’à être si couvert de son sang qu’il se mêlera au mien.

J’ai adoré ce recueil et je suis en train de pratiquement le relire pour préparer ce billet, si je ne m’écoutais pas, je vous citerais des dizaines de passages ! Je repense à ce jeune homme qui connaît son premier baiser, à cet autre homme qui assiste au suicide d’un homme, dont l’acte joue l’effet d’un détonateur pour sa propre vie, je repense aussi à ce trentenaire qui voit peu à peu le monde l’oublier, les femmes ne plus le regarder comme avant et qui s’éprend un soir d’une danseuse de bar, sous l’effet de l’alcool.

Quant A votre bon coeur, elle ne fait que trois pages aussi je tiens ma langue mais celle-ci m’a retourné l’estomac! Le couple n’échappe pas non plus à la plume de Nathan Sellyn, gavé de téléréalité ou dans une soirée d’échangistes, il n’en reste pas grand chose.

Si vous voulez comprendre la force, la puissance d’une nouvelle, alors lisez Sellyn ! Moi je garde précieusement ce recueil.

Sellyn écrit comme Alice Munro, enfin comme Alice Munro si elle était un jeune homme plein de testostérone et qu’elle avait avalé une dizaine d’expressos.

Des débuts vraiment impressionnants. Des nouvelles fortes, imprévisibles, surprenantes, qui vous prennent à la gorge – Joyce Carol Oates

Scandaleusement réussi. Ce formidable recueil a le coeur sombre comme ce jeune écrivain, à l’aube d’une grande carrière – Joseph Boyden

♥♥♥♥♥

Editions Albin Michel, Terres d’Amérique, Indigenous Beasts, trad. Judith Roze, 2006, 212 pages

Et pourquoi pas

13 commentaires

Virginie 11 mai 2018 - 8 h 39 min

ça rallonge dangereusement la liste de mes envies de trainer par ici en ce moment !! Je le note !

Electra 11 mai 2018 - 8 h 46 min

Merci il en vaut la peine ! Un de plus !

athalie 12 mai 2018 - 11 h 37 min

Me voilà curieuse de « A votre bon coeur » ! Et du recueil en son ensemble, d’ailleurs, j’aime bien les coups de poing en nouvelles (et pour l’instant, je n’en ai pas beaucoup !)

Electra 12 mai 2018 - 12 h 14 min

Je viens d’en lire deux autres (en anglais) également coup de poing, elles doivent faire peur aux Français ! Profites-en avec celui-ci, il devrait te plaire 🙂

Marie-Claude 13 mai 2018 - 2 h 50 min

Rahhhhh! Je viens de le commander. Heureusement que ceux que tu viens de lire son en anglais. Ça va donner à mon porte-monnaie le temps de reprendre son souffle!

Electra 15 mai 2018 - 22 h 01 min

Mdr ! Oui, je viens d’en lire 3 d’affilée en anglais, et depuis aujourd’hui retour au français …profites-en ! Pour ton porte-monnaie, tu ne peux pas faire une impasse sur celui-ci, crois-moi !

Titezef 13 mai 2018 - 21 h 41 min

Bon Electra … il faut vraiment que tu nous postes un chèque en plus de poster ton billet…parce que Oui notre porte-monnaie suit pas…
Tout le monde est d’accord…!?
🙂 mdr

Electra 13 mai 2018 - 22 h 58 min

Non pas possible ! Et le mien alors, tu y penses ? Avec toutes les participations au challenge, mes envies ne cessent d’augmenter MDR

Titezef 14 mai 2018 - 23 h 16 min

Bon..ok..tu es dans le même cas que nous..je comprends…
Il va falloir se faire sponsorisées…Mmmm bof … J’aime pas trop être redevable sur ce coup là !
Eureka… trouvé la solution… Il faut que je sois Raisonnable MDR

Electra 15 mai 2018 - 22 h 02 min

oh tu arrives à écrire ce mot horrible ?? avec un « r » majuscule ? J’ai abandonné tout espoir d’y arriver ….

Fanny 18 mai 2018 - 8 h 37 min

Ca me rend curieuse tout ça!

Electra 18 mai 2018 - 19 h 37 min

J’espère ! Ce recueil est sublime !

Mai en nouvelles : Les chroniques - la nuit je mens 3 juin 2018 - 19 h 23 min

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