La vérité sur le mensonge · Benedict Wells

par Electra
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Je ne connaissais l’auteur que de nom, mais lorsque j’ai lu la quatrième de son recueil de nouvelles, je n’ai pas pu résister. Après plusieurs romans intenses, j’ai eu très envie de lire des nouvelles et ce recueil est tombé à pic, il m’a sorti un peu de ma zone de confort – Benedict Wells aimant bien instiller une sorte de malaise et se jouant souvent de la réalité.

Le recueil contient douze nouvelles, certaines, j’avoue m’auront moins marqué et d’autres vraiment troublées et surprises ! L’auteur, dont je ne connaissais que le nom, s’amuse avec le lecteur. Chez lui, tout se mélange, vérité, mensonges, rêves – au lecteur de faire le tri. J’ai beaucoup aimé quand il s’amuse à nous déstabiliser.

La première nouvelle, La promenade, est ainsi très marquante. On suit un homme d’affaires, toujours trop occupé pour s’occuper des siens, même en vacances, qui décide sur un coup de tête de partir faire une petite randonnée en montagne pour se changer les idées avant de fêter le neuvième anniversaire de son fils. Mais l’homme se perd en forêt, croise un chien et fait une rencontre étrange sur la route : un homme qui lui dit qu’il est désolé pour son fils. Notre héros panique puis malgré le froid et la pluie, il se bat pour retrouver le chemin de la maison, le chemin des siens.  Une nouvelle effrayante et palpitante !

Je veux aussi vous parler de La muse, une nouvelle autour d’une jeune auteure frappée par la page blanche. Incapable d’écrire un mot, avec pourtant une date de remise, elle voit un jour apparaître un très bel homme aux cheveux bouclés bleus. ll s’agit de sa muse. Elle en tombe amoureuse, et lui aussi. L’inspiration renaît mais en lui transmettant à nouveau son talent, sa muse se meurt.. Que va-t-elle choisir ?

J’ai adoré Ping-pong – où l’auteur joue avec nos nerfs et surtout sur les prisons psychiques que les humains sont capables de créer. L’histoire ? Deux jeunes sont enlevés. A leur réveil, ils sont enfermés dans une pièce avec comme seul objet : une table de ping-pong et deux raquettes. Les deux hommes décident de passer le temps en jouant, ils deviennent proches mais la compétition prend le dessus. Chaque jour, ils passent des heures à s’affronter … ils sont devenus de véritables ennemis jusqu’au jour où la porte s’ouvre ..

Après un duel psychologique, Benedict Wells nous offre une nouvelle très touchante. On suit une vieille dame qui vient s’asseoir dans un parc, à côté d’un jeune homme. Celle-ci se confie, Richard adore le blanc de poulet. Même si elle trouve cela cher, elle ne peut rien refuser à son chat. Elle continue son récit auprès de deux jeunes écolières qui ricanent en écoutant cette vieille dame radoter… Je n’en dirais pas plus mais lisez-la ! Magnifique.

Inspiré de son roman (que je n’ai pas encore lu), la nouvelle, La nuit des livres, imagine un dialogue savoureux entre les auteurs des livres exposés dans cette bibliothèque, le soir de Noël. Certains sont absents. Pour tous les amoureux des livres, comme moi, cette nouvelle vous ravira ! Certains auteurs n’aiment personne, d’autres sont jalousés …;

La bibliothèque tout entière n’était au fond qu’une gigantesque gare remplie de personnages et d’histoires.

Une autre nouvelle, La franchise ou la vérité sur le mensonge (qui donne donc son titre au recueil), raconte l’histoire d’Aiden Brooks. Ce dernier est devenu célèbre et adulé à travers le monde pour avoir créer Star Wars et tous les films célèbres de cette époque. Mais un jour, l’homme décide de tout avouer à un jeune journaliste : comment, jeune biographe, il est viré en 2016 par George Lucas. Il se retrouve dans un ascenseur qui lui fait remonter le temps. Le voici en 1973, il tient sa revanche et va s’approprier la Guerre des Etoiles ! Une nouvelle amusante, grinçante mais aussi triste. L’amertume et la solitude qui en découlent ne vous laissent pas indifférent.

Certains hommes meurent sans comprendre qu’ils doivent mourir. Son père par exemple avait passé sa vie à tout refouler, la catastrophe trente ans plus tôt, la vieillesse qui arrivait, et la mort.

Je finis ma chronique en vous parlant de Cent Mille, une très belle histoire entre un père et son fils. Ce dernier est parti vivre à Londres et les deux hommes ne s’entendent guère. Enfant, après la suicide de son épouse, le père avait tenté de créer des liens avec son fils, alors âgé de 9 ans, en achetant une Austin à retaper. Les années ont passé et le fils ne comprend pas l’obsession de son père pour cette voiture, et lorsqu’un jour, ils partent en balade, le fils au volant, son père insiste pour qu’il le réveille lorsqu’elle atteindra les 100 000 km mais le fils oublie …

J’ai lu ce recueil il y a déjà un bout de temps et je me souviens avec tendresse de cette nouvelle, du dialogue de sourd en premier entre le père et son fils et puis la vérité qui éclate.

Dans l’ensemble, j’ai aimé ce recueil, les autres nouvelles ont touché plus d’autres lecteurs. L’auteur sait parfaitement jouer avec nos émotions et entre vérité et mensonges, il nous fait apparaître les failles humaines comme j’aime les lire dans les romans. Un auteur à suivre !

♥♥♥♥

Editions Slatkine&Cie,  Die Warheit über das Lügen, trad. Dominique Autrand, 2019, 220 pages

Et pourquoi pas

12 commentaires

Mes échappées livresques 12 septembre 2019 - 7 h 33 min

Un auteur que je n’ai toujours pas lu! Etant moins emballée par les nouvelles en général, si je me lance ce sera avec son premier roman qui est dans ma pal, ton avis enthousiaste donne envie de le découvrir!

Electra 12 septembre 2019 - 20 h 54 min

Oui, moi c’est l’inverse, j’aime bien commencer par leurs nouvelles pour savoir si je ensuite je peux les « supporter » tout un roman ! mais j’ai vraiment envie de lire son roman, maintenant !

Autist Reading 12 septembre 2019 - 11 h 16 min

Cette fois-ci, je ne suis pas certain de te suivre sur ce coup-là. Il y a l’air d’avoir un petit quelque chose de fantastico-surnaturel dans ces histoires qui aurait plutôt tendance à me repousser…

Electra 12 septembre 2019 - 20 h 55 min

à part la première, les autres n’ont rien de surnaturel ou de fantastique – je ne suis pas très fan moi-même de ce genre-là, ici c’est plutôt son regard sur la société et sur l’humain en général qui est à part

Virginie 12 septembre 2019 - 18 h 28 min

Le nom me disait qq chose aussi mais je ne l’ai jamais lu ! Je note ce titre !! merci ;o)

Electra 12 septembre 2019 - 20 h 55 min

Oui, moi c’était le titre de son roman que j’avais en tête !

Marie-Claude 13 septembre 2019 - 2 h 52 min

Je branle entre deux chaises… Il m’intrigue, même si je crains que ça fasse comme avec le recueil de Nancy Lee. Tsé, là? T’en penses quoi?
J’avais entendu parlé de « La fin de la solitude », mais était passé à côté.

Electra 16 septembre 2019 - 10 h 49 min

Non ça n’a pas grand chose à voir avec Nancy Lee. Là, il te convient mieux car il y a du malaise, tout ce que tu aimes, enfin que tu dis ! ça fait pas mal réfléchir ! je te le garde au besoin

Jérôme Prévost 15 septembre 2019 - 19 h 03 min

ça a l’air un peu trop psychologique pour moi. Tu as beau être convaincue, je ne vais pas en faire une priorité.

Electra 16 septembre 2019 - 10 h 49 min

vraiment ? tu me flattes là ! Tu peux évidemment avoir d’autres priorités 🙂 mais je t’aurais bien imaginé dans la partie de ping-pong…

Eva 16 septembre 2019 - 13 h 14 min

un recueil (et un auteur!) que je ne connaissais pas, mais ce que tu en dis est très tentant!

Electra 16 septembre 2019 - 19 h 15 min

Ah bon? même pas son roman ? étonnée car rien ne semble t’échapper ! Il pourrait bien te plaire 🙂

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