A shout in the ruins · Kevin Powers

par Electra
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Si vous avez lu The Yellow Birds de Kevin Powers, vous savez qu’il a servi en Irak en 2005 et a écrit un magnifique roman à ce sujet. Mais saviez-vous qu’il avait également publié un recueil de poésie et enfin, en juin dernier, ce roman qui vous fait voyager dans le temps en Virginie, d’où l’auteur est originaire (Richmond) et que celui-ci est sorti en français ?

La plantation Beauvais se trouve dans le comté de Chesterfield, en Virginie. Nous sommes à l’aube de la guerre de Sécession, un jeune esclave, Rawls, s’éprend d’une autre esclave, venant d’une autre plantation. Les deux réussissent à se voir et à s’aimer mais Nurse disparaît subitement. Son maître l’a punie pour ne pas avoir su sauver son épouse après une chute de cheval. Rawls s’enfuit pour la retrouver.  Au même moment, un enfant à la peau sombre, George, est sauvé par des Croatan, des indiens Algonquins ordinaires des deux Etats de Caroline. Poursuivis, les hommes sauvent l’enfant et le confient à une vieille femme qui vit le long d’une rivière.

La guerre éclate et Bob Reid s’engage. Le propriétaire de la plantation Beauvais ignore qu’il vient de signer l’arrêt de mort de son ancienne vie. Grièvement blessé, il découvre, au fil des lettres de sa fille, qu’un Français, Levallois, propriétaire d’une autre plantation, s’est peu immiscé dans sa vie. Il a isolé son épouse et sa plus jeune fille, et convoite Emilie, son ainée. La jeune femme a assisté à l’arrestation de Rawls qui tentait de traverser le fleuve.

Virginie, les années 50 – George est à présent un très vieil homme et son dernier souhait est de retrouver l’endroit où il a vécu ses premières années, et peut-être découvrir qui étaient ses parents, dont sa seule trace est une Bible où sa mère indique son prénom. Il rencontre Lonnie, une jeune serveuse qui accepte de l’aider dans ses recherches.

Que dire ? Plus de cent ans d’histoires, des personnages très attachants, malgré la violence et le désespoir. Ni les Blancs, ni les Noirs ne sont heureux. La guerre de Sécession signe la fin d’une ère, la fin de l’esclavage mais pas la fin du racisme. Les esclaves restent sur les plantations pour travailler. Rien d’autre ne les attend. Emilie comprend qu’en épousant Levallois, elle vient, elle aussi, d’abandonner tout espoir. Des personnages perdus, égarés, qui tentent malgré tout, comme Rawls et Nurse, de trouver l’amour. Mais l’Histoire continue de les séparer.

J’ai retrouvé avec plaisir l’écriture fiévreuse de Kevin Powers, et surtout j’ai vraiment plongé dans le Sud profond – les dialogues sont impressionnants de vérité, ainsi les propos de Levallois sont effrayants. J’avoue que j’ai sursauté pendant ma lecture en découvrant que le personnage français est originaire de Nantes ! Ma ville, et l’auteur s’amuse même à citer la place du Bouffay. L’homme est esclavagiste par opportunisme. Il ne croit pas aux théories des races, il ne voit que son propre gain.

J’ai découvert par hasard en septembre qu’il était disponible en français et je suis ravie car il apporte un regard différent sur cette guerre, la fin est touchante et tous les personnages possèdent une vraie profondeur, chose rare chez les romanciers. Je note aussi la présence des Croatan – ces indiens qui vivaient dans les deux Caroline.

Les critiques comparent cette structure narrative complexe à Faulkner, soulignent l’impact du passé sur le présent et la Kirkus Reviews déclare que l’oeuvre de Powers est « un roman impressionnant sur l’esclavage, la destruction, et les troubles de l’amour ».

Philipp Meyer (l’auteur du roman Le fils) ajoute : « Un chef d’oeuvre. Powers a écrit un roman qui possède toute la férocité, complexité et violence raciale du Sud américain, de sa chute à son éventuelle renaissance » .

J’avais écrit sur mon brouillon que je souhaitais qu’il soit traduit, c’est chose faite ! Il est sorti le 9 octobre aux éditions Delcourt.

♥♥♥♥

Editions Back Bay Books, 2019, 272 pages

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Et pourquoi pas

8 commentaires

Marie-Claude 23 octobre 2019 - 20 h 34 min

Évidemment, je ne note. Mais je dois d’abord lire « Yellow Birds ».

Electra 23 octobre 2019 - 22 h 45 min

Oui, deux mondes très très différents mais tous les deux très touchant – tu vas sans doute préférer celui-ci 🙂

Autist Reading 23 octobre 2019 - 22 h 29 min

Delcourt a l’air de frapper fort avec sa nouvelle collection littérature.
J’ose à peine te dire que je n’ai toujours pas lu Yellow Birds qui prends la poussière virtuelle dans ma liseuse depuis plusieurs années. J’avais bien repéré celui-ci (et moi aussi j’ai été étonné de le voir traduit si vite) mais je ne vais pas mettre la charrue avant les bœufs. Même si les 2 romans n’ont rien en commun, je vais essayer de lire déjà celui que j’ai en ma possession avant de penser à lire celui-ci.

Electra 23 octobre 2019 - 22 h 46 min

j’ai lu Yellow Birds tardivement, après tout le monde mais avant toi quand même ! Je me souviens l’avoir déniché à la BM et le lire l’été suivant. Je ne m’attendais pas à trouver ce dernier déjà traduit mais l’écriture est magnifique et ici c’est de la pure fiction. Yellow Birds est inspirée de son propre passé de combattant. Il est très doué ! Bon allez j’ai aussi pas mal de lectures en attente dans ma liseuse !!!

Fanny 25 octobre 2019 - 10 h 37 min

Je l’ai vu passer sans m’attarder dessus… je devrais aller voir plus loin et le lire il me semble! 🙂

Electra 25 octobre 2019 - 20 h 21 min

oui, il est très touchant et l’écriture est superbe ! Je vais suivre cet auteur dorénavant de très près !

Eva 25 octobre 2019 - 15 h 03 min

lu également (en VF) et beaucoup beaucoup moins enthousiaste que toi (mon billet est en ligne) …

Electra 25 octobre 2019 - 20 h 23 min

ah bon ? il a perdu en traduction ? car moi j’ai beaucoup aimé ! je suis allée sur ton blog et il n’y était pas ce matin … parfois, je trouve que les traductions touchent à quelque chose .. j’irai voir ton billet du coup !

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