L’artiste · Antonin Varenne

par Electra
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Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que je suis fan de l’oeuvre d’Antonin Varenne, du coup il me fallait son dernier polar, l’Artiste. Chose faite, alors comment se sont passées les retrouvailles ?

Antonin Varenne a le temps assez rare de pouvoir changer de style, disons de quitter sa plume de romancier de fiction (Trois mille chevaux vapeur par exemple) pour enfiler une veste en cuir et se transformer en auteur de polar. Une écriture plus fiévreuse, moins lyrique. Mais toujours aussi plaisante. C’est ce que j’aime chez lui, ainsi dans Battues ou Cat 215 il nous surprend avec cette écriture bien plus aiguisée, son phrasé plus direct.

Octobre était arrivé, plus personne n’oubliait son pull pour sortir. Au petit matin, on ramassait les premiers sans-abri congelés de la saison.

Et c’est ce que j’ai aimé retrouver ici, avec deux personnages qui me sont restés en tête. J’ai par contre moins adhéré au personnage principal,  à ses idéaux et l’intrigue m’a paru un peu trop rebattue. Mais avouons-le de suite : les tueurs en série ne m’ont jamais fasciné et je trouve encore plus ennuyeux et erroné tout le mysticisme autour de leur soi-disante oeuvre. Ce sont juste des psychopathes. Je déteste toute tentative de glorification de leurs actes. Ils vont aux toilettes comme vous et moi. J’aime la série Midhunters car elle démontre bien que ce sont juste des êtres humains, sans pouvoir exceptionnel et quand on veut chercher du symbolisme dans leur macabre travail, je trouve cela déplacé. Du coup, j’étais déçue de voir mon auteur chouchou tomber dans le même scénario. Il s’en sort mieux que les autres en travaillant ses personnages et en développant une seconde histoire, celle de l’amitié.

Revenons à l’histoire qui se passe en 2001. L’inspecteur Heckmann, flic au 36 quai des Orfèvres est chargé de l’enquête sur le meurtre d’un peintre du quartier Montparnasse assassiné dans son atelier. Peu de temps après, un autre artiste est à son tour victime du même sort. Le tueur en série aime mettre en scène son crime en utilisant les outils et les toiles de ses victimes. L’enquête d’Heckmann va l’amener à croiser un jeune homme, Max, qui baudrier en main, aime, dans son travail et sa vie personnelle, prendre de la hauteur et voir la vie d’en haut. Il a été auparavant détective privé mais enquêter sur les infidélités conjugales l’avait très vite lassé. Le jeune homme redoute l’arrivée d’un enfant dans son couple et pour fuir le domicile, le jeune homme décide de mener sa propre enquête. L’inspecteur reçoit bientôt une série de lettres signées, soi-disant de l’assassin qui tente d’apporter une réponse à ses meurtres, en mêlant art, beauté et mort. Mais très vite, l’inspecteur réalise qu’elles lui sont envoyées par un vieillard, Roland Parques, qui a mené une drôle de vie (résistant, faussaire et surtout médecin avorteur alors que c’était illégal). Les trois hommes vont finir par se rencontrer et s’entraider.

C’est je crois ma partie préférée du roman, quand on s’éloigne du meurtrier et de toute la symbolique autour de ses meurtres, pour suivre ces trois hommes, tous différents mais qui finalement, aiment à se retrouver. Si j’ai trouvé exagérée la panique de Max à l’approche de la naissance de son enfant, je le lui pardonne car j’ai tout de suite aimé le personnage, comme celui de Parques dont la maison est un vrai capharnaüm. J’ai moins adhéré au policier, à sa vision des femmes (nous sommes en 2001 mais cela l’excuse-t-il?), certains le trouveront maladroit, moi je le trouve macho. Mon autre bémol vient du discours sous-entendu anarchiste, ou des idéaux qui ressortent parfois et pour lesquels je n’adhère malheureusement pas. Le chaos n’a jamais amené égalité et fraternité. Les extrémistes en ressortent toujours vainqueurs. Bref, je ne crois pas non à la théorie des complots, je pense que cela est une manifestation du syndrome de percussion et qui donne une nouvelle fois la parole aux extrémistes, ainsi les Juifs sont malheureusement souvent cités comme à l’origine de tous les complots et maux de la terre… Je m’égare ? Peut-être mais c’était mon sentiment à la sortie de ce livre. Enfin, je n’ai pas trouvé la fin à mon goût, enfin je ne l’ai pas trouvée réaliste et il m’a paru superflu une phrase qui dit que le temps viendra où… les lecteurs sauront de quoi je parle. Mais c’est mon opinion, elle plaira sans doute bien mieux à d’autres lecteurs.

Reste que j’ai dévoré ce livre, que j’aime le style, que le rythme est là, maîtrisé, que l’enquête avance et est passionnante (si on enlève tout le symbolisme) et que l’amitié bancale de ces trois personnages est vraiment géniale. Voilà, j’ai tout dit. Et si je me permets autant de liberté, c’est parce que j’adore l’oeuvre d’Antonin Varenne. Et je sais pour l’avoir rencontré, qu’il aime les gens honnêtes.

♥♥♥

Editions La manufacture de livres, 2019, 280 pages

Et pourquoi pas

13 commentaires

Ingannmic 11 novembre 2019 - 19 h 36 min

Je ne connais pas encore cet auteur mais j’ai noté Trois mille chevaux vapeur sur les conseils de l’écrivain Benoît Séverac, qui a mentionné ce titre lors d’une intervention sur un salon du livre, en précisant que c’était sa lecture la plus marquante de l’année..

Electra 12 novembre 2019 - 11 h 56 min

J’ai tout lu de lui et je l’ai découvert grâce à Trois mille chevaux vapeur que j’ai adoré ! Je te le conseille vivement 😉 C’est passionnant et très bien écrit !

Marie-Claude 14 novembre 2019 - 4 h 33 min

Ton billet est passionnant à lire. Reste que ce ne sera pas avec ce titre que je découvrirai TON Varenne. Tu sais que « Battues » m’attend!
Tu vois, tu peux déroger toi aussi et lire à l’occasion un auteur français!

Electra 14 novembre 2019 - 19 h 58 min

Merci ! Oui, ne vas pas lire celui-ci ! Mais lis Battues, il te convient nettement mieux ! MDR pour ta dernière remarque ! il s’agit de Varenne, c’est comme Kerninon – ça ne compte pas coquine 😉

Autist Reading 14 novembre 2019 - 16 h 26 min

Je tombe de haut : alors comme ça, tu vas, toi aussi, aux toilettes comme tout le monde ??!! Mais alors, on m’aurait menti, tu n’es pas une déesse, un pur esprit ?
Blague (relou) à part, je ne suis pas très fana de polar en général, mais j »ai toujours « Trois mille chevaux vapeur » dans ma liseuse. Je finirai donc bien par découvrir Antoine Varenne un de ces jours.

Electra 14 novembre 2019 - 20 h 01 min

J’ai cherché où j’avais écrit que j’allais aux toilettes ! MDR – oui mais j’y vais pour prendre les livres, car j’ai une bibliothèque dans mes toilettes ! ne vas pas imaginer autre chose LOL
Pour le polar, tu peux passer et Trois mille chevaux vapeur est un roman d’aventures, pas un polar et il est super ! Il faut le lire (dans le wc, si tu le souhaites !)

Mes échappées livresques 15 novembre 2019 - 9 h 43 min

Un auteur que j’ai envie de découvrir depuis un moment! Tu me conseilles lequel pour démarrer?

Electra 15 novembre 2019 - 21 h 25 min

Alors, si tu aimes les récits d’aventure, je te conseille vivement Trois mille chevaux vapeur – si tu préfères un polar, Battues ou Cat 215 😉

Jérôme 18 novembre 2019 - 12 h 37 min

Ah, cette passion entre Varenne et toi ! Aucun risque qu’elle s’éteigne on dirait 😉

Electra 18 novembre 2019 - 12 h 51 min

Non ! Même si parfois, je suis un peu déçue comme ici (par le sujet, sinon pas de souci avec le style et l’écriture) – j’attends le prochain Kerninon 😉

Fanny 19 novembre 2019 - 11 h 31 min

J’ai pensé à toi quand j’ai vu ce livre en librairie 🙂

Electra 19 novembre 2019 - 19 h 42 min

MDR – un peu accro, n’est-ce pas ?

Fanny 21 novembre 2019 - 9 h 19 min

Comme moi avec J.C Oates 😀

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