The Vanishing Man : In pursuit of Velázquez · Laura Cumming

par Electra
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Il arrive que je tombe amoureuse d’une couverture de livre et ce fut le cas avec celle-ci. Le portrait de cet homme et le titre du livre m’intriguaient tellement et ce malgré le sujet qui lui m’effrayait un peu … alors, verdict ?

Il y a des récits qui vous marquent et celui-ci fera partie de ma top list – si vous avez aimé lire David Grann et ses récits d’investigation, alors il vous sera impossible de résister à celui de Laura Cumming. Il me suffirait presque de recopier les critiques élogieuses de la quatrième de couverture : fantastique, magique, une obsession, une enquête digne d’un détective, somptueux …

Et je me pose la même question : combien de temps l’auteure a-t-elle consacré à ce tableau ? à sa recherche ? A la vie de John Snare ? des mois sûrement, des années probablement et comment a-t-elle réussi à tout mettre sur papier ?  Mais revenons au tout début. Remontons-le temps :

Reading, Angleterre – 1845. Un vendeur de livres rares, nommé John Snare, profite d’une vente aux enchères locale pour mettre la main sur un petit tableau sale et poussiéreux. Très vite, l’homme acquiert la certitude qu’il s’agit d’un portrait de Charles Ier, Roi d’Angleterre, peint par Diego Velàzquez en 1623.  L’homme ignore alors que son achat va bouleverser sa vie entière et celle de sa famille.  Le tableau n’est pas signé et le catalogue de vente indique qu’il s’agit probablement de l’oeuvre du peintre hollandais à la mode à cette époque, Van Dyck. Peu de gens savent que Charles Ier est allé en cachette en Espagne, alors qu’il était encore jeune et imberbe. Le portrait du jeune prince ressemble donc très peu aux portraits officiels réalisés par la suite à la cour d’Angleterre. De plus, les peintres espagnols sont encore peu connus à l’époque (1845). Très vite, John Snare se heurte à un mur et de plus, une famille d’aristocrates déclare que ce tableau lui appartient et lui a été volé. La vie de John Snare bascule dans le chaos…

Laura Cumming a trouvé en John Snare l’exemple de l’obsession de l’homme envers l’art – que ressentons-nous devant un tableau ? Pourquoi sommes-nous plus sensibles à certaines époques qu’à d’autres ? Comment pouvons-nous expliquer être parfois touché par une oeuvre d’art ? Pourquoi les oeuvres d’art sont aujourd’hui si recherchées et vendues à ces prix exorbitants ?  Laura Cumming ignorait en s’intéressant à la vie de John Snare que sa propre vie en serait chamboulée. L’auteure, persuadée que John Snare avait raison, décide de partir à la recherche d’un écrit datant de 1623 prouvant l’authenticité de l’oeuvre. Elle va donc revoir en totalité la vie de l’artiste espagnol, peintre de la cour, qui n’aura eu l’accord de quitter celle-ci qu’à deux reprises dans sa vie. Le peintre était entièrement dédié à son Roi, mais il obtint le droit de peindre également les domestiques, comme dans Las Meninas, et les autres résidents à la cour – comme le mystérieux homme de la couverture. L’artiste, comme beaucoup au 17ème Siècle, travaillait pour la cour et ne signait donc pas ses oeuvres. Cette décision entraîna de nombreux quiproquos et de véritables guerres.

Et puis, quel plaisir de suivre à la fois John Snare et Laura Cumming de nos jours, enquêter sur cette même toile ! J’ai adoré les découvertes de l’auteure, ainsi lorsqu’elle nous apprend qu’à l’époque de John Snare, les tableaux étaient souvent attribués à d’autres artistes – beaucoup d’amateurs professaient avoir chez eux un Velàzquez et se trompaient. Le plus drôle était sans doute l’un d’eux qui se vantait de posséder une toile du peintre hispanique, alors qu’il possédait un vrai tableau de Diego dans une autre pièce mais qu’il avait attribué par mégarde à un peintre hollandais ! Et la vie de l’artiste espagnole est aussi passionnante. Ses deux escapades en Italie, ses choix et puis tout ce mystère autour de son oeuvre …

J’ai adoré ce voyage dans le temps, suivre John Snare dans sa descente en enfer – son obsession pour cette oeuvre d’art qu’il refusera de vendre et qui sera son unique compagne pendant des décennies. L’oeuvre dormira à ses côtés. Puis disparaîtra mystérieusement à son décès … a-t-elle seulement jamais existé et est-elle réellement l’oeuvre de l’artiste espagnol ?

La plume de Laura Cumming est magnifique, et elle réussit l’exercice périlleux d’expliquer nos émotions face à une oeuvre d’art, je lisais ses mots et je me retrouvais dans ses explications. Elle ne juge jamais Snare, malgré ses choix pas toujours très intelligents. Elle dresse un portrait intelligent et minutieux de la société anglaise puis américaine (Snare part aux USA après une débâcle en Angleterre où l’oeuvre lui a été confisquée un temps), et que dire du 17ème Siècle à la cour du Roi d’Espagne en compagnie du peintre ? Elle revient sur ses oeuvres et le livre contient plusieurs reproductions et lève le voile sur certains mystères. Je sais désormais qui se cache derrière ce bel homme, et ce n’est pas un autoportrait du peintre….

J’ai découvert le peintre espagnol lors de nombreuses visites de musées à travers l’Europe et les Etats-Unis mais aussi à Nantes et si, aujourd’hui, c’est la première moitié du 20ème siècle qui me passionne, j’ai découvert grâce à une exposition le talent immense de portraitistes du 17ème Siècle – on dirait presque des photographies, leurs traits sont si justes, le regard des sujets perçant .. le jeu de la lumière et des ombres si réaliste. Je vous mets au défi de ne pas tomber amoureuse des portraits de l’artiste.

Bref, j’ai adoré ce livre – une enquête d’investigation menée tambour battant, j’aurais pu citer des pans entiers du livre tellement ils sont justes.

Bon, alors, les éditeurs – qu’attendez-vous pour le traduire ?!

♥♥♥♥♥

Editions Vintage, 2017, 320 pages

Et pourquoi pas

2 commentaires

Marie-Claude 8 décembre 2019 - 18 h 17 min

Rien à faire… J’ai un blocage. Dès qu’il est question de musique ou de peinture dans un roman, je prends mes jambes à mon cou.

Pour une fois, je ne rage pas qu’il ne soit pas traduit!

Electra 9 décembre 2019 - 7 h 29 min

Oui, je sais pourtant ici tu loupes une histoire intense, celle de l’acheteur ! Mais la partie sur la vie de Velasquez à la cour t’aurait effrayé, petite chose !

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