Un travail comme un autre · Virginia Reeves

par Electra
3,5K vues

Je voulais lire ce roman depuis fort longtemps, après avoir croisé la route de l’auteure,  Virginia Reeves,  invitée d’un festival. Je l’avais vu, seule, attendant les lecteurs. Et ça m’avait touchée. Je m’étais sentie bête de ne pas aller lui parler. Bref, passons, et j’ai lu son livre, et j’ai voulu prendre du recul avant d’écrire mon billet. Et j’ai totalement oublié de le faire !

Roscoe T Martin est fasciné par cette force plus vaste que tout, plus grande que lui, qui se propage avec le nouveau siècle : l’électricité. Il s’y consacre, en fait son métier. Un travail auquel il doit pourtant renoncer lorsque Marie, sa femme, hérite de l’exploitation familiale. Année après année, la terre les trahit. Pour éviter la faillite, Roscoe a soudain l’idée de détourner une ligne électrique de l’Alabama Power. L’escroquerie fonctionne à merveille, jusqu’au jour où son branchement sauvage coûte la vie à un employé de la compagnie..

Ce roman est fait pour moi : l’Alabama, une ferme, les années 30, la Dépression et le mot de Philip Meyer sur la couverture « une voix puissante et lyrique, un nouveau talent majeur ».  Le récit est mené d’une seule voix, celle de Roscoe, le personnage principal depuis la prison, où il croupit depuis des années. Il est persuadé que son épouse et son fils l’attendent, dans cette ferme. Il leur écrit lettre après lettre. Même s’il ne reçoit aucune réponse, ni aucune visite. Il s’en veut d’avoir fait arrêter avec lui le métayer noir. Son épouse a grandi avec lui et il laisse une famille derrière lui. La ségrégation l’empêche d’avoir de ses nouvelles. Les années passent, Roscoe est un des rares prisonniers qui sait lire et écrire. Il travaille à la bibliothèque, apprend à lire à d’autres détenus mais doit aussi rejoindre la brigade canine qui traque les rares évadés. Il est parfois violemment pris à parti. Mais il ne perd jamais espoir. Sa femme et son fils l’attendent à la ferme.

On naît avec quelque chose dans les veines, pour mon père, c’était le charbon, pour Marie, c’est la ferme, pour moi un puissant courant électrique.

Le roman se déroule principalement lors de ses années en prison, puis le dernier tiers lors de sa sortie. C’est un roman âpre, c’est vraiment le premier mot qui m’est venu à l’esprit. Même dans son écriture. On sent le goût de la terre, de la poussière, de cette sécheresse qui n’en finit pas. A la fin de ma lecture, je suis restée sur un doute. Ai-je lu un grand roman ? Meyer, Powers, le disent. Et effectivement, si vous aimez le Sud , vous aimerez ce livre.

Je crois que je suis restée dubitative parce qu’il m’a manqué quelque chose, un tout petit truc. J’ignore de quoi il s’agit. Pourtant le roman est vraiment intéressant, Roscoe croit en son mariage, même si sa femme lui a demandé d’abandonner son métier pour se consacrer à la ferme et qu’il en a toujours souffert.

Et puis, en y repensant, la fin, sans doute traitée un peu trop rapidement, offre quand même un grand moment. Les personnages sont enfermés dans leur croyances, leurs principes. Leurs peurs. Du coup, je vous remets ces quelques critiques qui en parlent mieux que moi. Je crois vraiment que Reeves a écrit un bon roman et je pense que son prochain pourrait être encore meilleur.  Je lui redonnerai sa chance et si elle revient au Festival America, c’est certain, j’irai lui parler !

« Un premier roman exceptionnel, porté par une langue sincère, directe et suave. »
Kevin Powers.

« L’univers de ce roman exquis – les années 1920, en Alabama – ne m’a pas quittée depuis que je l’ai refermé. C’est magnifique, douloureux, original, et si juste dans ses moindres détails. Touffu, plein de terreur et de beauté. » Fiona McFarlane

« C’est assurément un travail pas comme les autres en ce que l’humanité et l’optimisme survivent même dans les endroits les plus sombres – la cellule d’un pénitencier, la galerie d’une mine, la décomposition d’un mariage et la terre impitoyable. » Jim Crace

Et surprise, le livre est publié depuis le 27 mai en format graphique par les éditions Sarbacanes (illustrateur Alex W.Inker) – ça me tente forcément !

♥♥♥

Editions Stock, Work like any other, trad. Carine Chichereau, 2016, 344 pages

Photo by Philipp Reiner on Unsplash

Et pourquoi pas

14 commentaires

Fabienne 8 juin 2020 - 10 h 52 min

Il m’a l’air très intéressant! Noté.

Electra 8 juin 2020 - 10 h 59 min

il l’est et j’aimerais bien avoir ton avis car je ne l’ai pas beaucoup vu lors de sa sortie !

Kathel 8 juin 2020 - 13 h 18 min

C’est un roman qui se démarque des romans américains contemporains, je trouve. J’avais aimé, mais pas trouvé facile d’en parler et de donner envie de le lire !

Electra 8 juin 2020 - 18 h 51 min

Oui ! Bizarrement, je me suis demandée si la traduction n’avait pas joué un rôle dans mon premier sentiment, un livre vraiment âpre mais l’autrice maîtrise très bien son sujet. D’ailleurs je vais aller voir si elle n’a pas d’autres livres à venir 🙂

Brigitte 8 juin 2020 - 19 h 33 min

Je vais donc le lire… acheté en occasion chez Gibert peu après sa sortie à la suite de très bonnes critiques, il est toujours sur son étagère, ce post m’a convaincue, merci!

Electra 8 juin 2020 - 19 h 42 min

De rien ! Il est pas mal du tout – bonne lecture 🙂

Marie-Claude 9 juin 2020 - 4 h 35 min

J’hésite toujours autant, même si je l’avais noté lors de sa parution.
Surtout avec tout ce que tu m’as racontée. Tes bémols risquent de m’agacer autant que toi.
Mais, bonne joueuse: si jamais je tombe dessus en bouquinerie, je n’hésiterai pas!

Electra 9 juin 2020 - 21 h 10 min

Oui 👍 je pense qu’il vaut quand même le détour

Jérôme 9 juin 2020 - 12 h 51 min

Dommage ce petit truc qu’il t’a manqué ! La BD m’attire énormément, Alex W.Inker est un jeune dessinateur incroyablement talentueux, je suis certain qu’il a magistralement adapté ce roman.

Electra 9 juin 2020 - 21 h 10 min

Oui tu peux commencer par la BD et si l’histoire te plaît tenter le roman. J’aime son style.

Ingannmic 9 juin 2020 - 18 h 35 min

Comme Jérôme, je suis davantage tentée par l’adaptation graphique (je me suis mise à lire des romans graphiques et des BD en cachette, c’est-à-dire sans faire de billet, sinon, je ne m’en sors pas, et ça me fait du bien, ces plages de lecture sans contrainte de rédaction… même si j’apprécie par ailleurs les échanges que me permettent les billets postés sur mon blog !)

Electra 9 juin 2020 - 21 h 11 min

Mdr 😂 tu lis en cachette ? J’espère trouver l’adaptation en bibliothèque !

krol 22 juin 2020 - 18 h 48 min

J’ai bien aimé le roman et je viens de m’acheter la BD !

Electra 23 juin 2020 - 20 h 13 min

ah oui ? super ! comme ça tu pourras me dire si elle vaut le coup ou pas !

Les commentaires sont fermés