Une ville à coeur ouvert · Zanna Sloniowska

par Electra
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Autre livre emprunté en bibliothèque, et pour la deuxième fois, et cette fois-ci je l’ai lu ! Je pense qu’il peut également participer au challenge Le mois de l’Europe de l’Est.  J’avais envie de le lire depuis sa sortie, mais quelque chose me retenait. C’est chose faite !

L’effet immédiat des vacances : avoir le cerveau libre et pouvoir lire d’une traite ou presque (en une matinée) ce roman atypique, puisqu’il est dédié à une ville, à travers le regard de quatre générations de femmes de la même famille.

La ville c’est Lviv en ukrainien (Львів) ou Lvov en russe, ou Lwów en polonais. Située à 70 km de la frontière polonaise, cette ville seule résume si bien l’histoire de l’Europe. Centre historique de la Galicie, province anciennement polonaise pendant près de quatre siècles, puis autrichienne sous l’Empire austro-hongrois jusqu’en 1918, à nouveau polonaise, elle deviendra Ukrainienne après la seconde guerre mondiale, puis Soviétique pendant cinquante ans, avant de redevenir Ukrainienne.

Nous sommes à l’été 1988, les pays Baltes ont commencé à revendiquer leur indépendance auprès du pouvoir soviétique, les patriotes ukrainiens font de même par cette belle journée, et Marianna, sublime soprano de l’Opéra de Lviv s’est jointe à eux, lorsqu’elle est emportée par une balle. Sa fille, âgée de douze ans à l’époque, se souvient de cette journée et de cette époque troublée.

A l’époque, elle vivait avec sa mère, sa grand-mère Ada et son arrière grand-mère Stasia sous le même toit. L’enfant aimait sa grand-mère Ada, craignait l’arrière-grand-mère (qui pissait dans son pot debout) et tentait d’intéresser sa mère qui lui avouait ne pas avoir de temps pour elle entre son art et les manifestations. A travers l’histoire de chacune de ces femmes, c’est l’histoire de Lviv que raconte l’auteure Zanna Sloniowska, elle-même née à Lviv et d’origine (vous l’aurez deviné) polonaise. Ainsi l’une se sentait soviétique, l’autre polonaise et Marianna décidait d’être Ukrainienne. Ces femmes, toutes malmenées par la vie, enfermées dans leur passé, cohabitaient difficilement dans ce petit appartement du centre-ville. Elles se déchirent tout en s’aimant. Puis vient ce fameux jour d’été..

Nous sommes comme des poupées russes, l’une installée dans le ventre de l’autre, sans que l’on sache vraiment qui est à l’intérieur de qui, on sait seulement lesquelles sont encore vivantes ; nous sommes comme des poupées russes embrochées sur une même flèche.

Les années passent, et la fille de Marianna se rapproche de l’homme qui fut l’amant de sa mère, un professeur, ardent défenseur de l’histoire de la ville et de ses monuments. Tous deux revisitent Lviv et son histoire.

Cet hiver-là, il est apparu clairement que la ville se lassait de sa croissance verticale multiséculaire et qu’elle entamait un processus de glissement vers le bas, telle une avalanche irrépressible.

J’avoue, j’ai pensé abandonner ma lecture au début du roman, lorsque l’autrice a choisi de nous abreuver de noms d’oeuvres d’art de la ville lors d’une conversation entre la fille et le professeur. Je ne connais pas la ville, uniquement la triste histoire des pogroms et du ghetto de Lviv pendant la deuxième guerre mondiale (appelée en ces temps Lwów). Je trouvais le ton un peu pédant, mais j’ai quand même insisté et fort heureusement je me suis laissée prendre par l’histoire, oubliant un peu le côté trop fantasque de Marianna (un peu trop louée par son autrice à mon goût, je n’aime pas les personnages plus grands que la vie qui vous avalent) et très vite, j’ai aimé être au centre des joutes familiales. Car si elles sont parfois détestables, les deux grand-mères sont passionnantes, chacune enfermée dans son passé, aigrie. On découvre leurs histoires d’amour cachées, leurs drames et force est de saluer leur ténacité et leur rudesse est vite pardonnée. Et on voit à travers le destin, celui d’un pays qui se déchire.

Donc si vous aimez comme moi, lorsque la grande Histoire se mêle à la petite, alors ce roman est fait pour vous. J’ai énormément appris sur cette ville et ce pays, l’Ukraine, à nouveau frappé par la guerre ces derniers temps. Une belle surprise.

Depuis toujours, maman, l’histoire est entrée dans nos vies en forçant portes et fenêtre, à présent, j’avance sans casque, j’ai cessé de m’en protéger.

♥♥♥

Editions Delcourt, Dom z witrazem, trad. C.Raska-Dewez, 2018, 240 pages

 

Photo by Darya Tryfanava on Unsplash

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6 commentaires

Eva 25 mars 2021 - 17 h 44 min

Lu il y a quelques années, le thème est intéressant mais j’ai eu du mal à entrer dans le livre et je n’ai pas réussi à « accrocher » avec la narratrice, jusqu’à la fin.
Mais c’est effectivement une bonne introduction à cette région d’Europe peu connue!

Electra 29 mars 2021 - 9 h 56 min

Oui, je comprends tes bémols, j’ai préféré la grand-mère et l’arrière grand-mère comme personnages. La démarche de la narratrice était effectivement un peu étrange …Mais oui, on en apprend beaucoup sur Lviv

Marie-Claude 27 mars 2021 - 20 h 04 min

Je pourrais faire un copier coller de mon précédent commentaire!!!

Encore un autre livre emprunté en bibliothèque? Dis donc, ta PAL n’est pas trop jalouse?

Electra 29 mars 2021 - 9 h 57 min

si elle est jalouse ! mais j’avais envie de participer au challenge sur les pays de l’Est
maintenant je reprends ma PAL

Fanny 2 avril 2021 - 16 h 30 min

Ces histoires de femmes me plairaient.

Electra 2 avril 2021 - 16 h 44 min

Oui, le style au départ et la froideur peuvent rebuter mais après ça devient intéressant !

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