Le Jardin des supplices · Octave Mirbeau

par Electra
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Après avoir découvert l’auteur français avec son roman Le journal d’une femme de chambre que j’ai adoré, j’avais hâte de lire un autre de ses écrits et évidemment, je me suis tournée vers le Jardin des supplices. Etait-ce le bon choix ?

Il m’est difficile de parler de ce roman. La première partie présente le personnage principal, qui ressemble beaucoup au Limonov d’Emmanuel Carrère : vous allez le détester. L’homme est profondément malsain, cupide, menteur et il le sait. Il éprouve parfois quelques remords à jouer au bernard-l’hermite auprès de son ami qui a réussi à rentrer au Gouvernement. Lui qui ne connaît que la magouille. Mirbeau règle son compte avec la politique et surtout ses élus ! Quel plaisir de le lire. Mais un jour, ça chauffe pour lui et son ami lui demande de s’éloigner quelque temps de la métropole. Il accepte alors un poste en Asie, où il se fait passer pour un botaniste venu étudier la faune. On lui alloue une bourse. Mais lors de son périple, il croise sur un navire, une jeune femme dont il s’éprend immédiatement. Celle-ci s’est installée en Chine et lui propose de venir vivre avec elle. Il accepte. Tous deux se ressemblent : ils ne recherchent que leur propre plaisir et haïssent la terre entière. Il croit avoir trouvé son double, mais côté perversion, celle-ci le bat à plate couture lorsqu’elle l’emmène au Jardin des supplices.

Ce qui me rivait à elle, c’était l’effrayante pourriture de son âme et ses crimes d’amour

Cette deuxième partie ne vous laissera pas indifférent, et si Octave Mirbeau a voulu choquer ses lecteurs, il a réussi. Quoiqu’il a aussi, comme tout bon film d’horreur, réussit très vite à me lasser. Au bout d’une demi-heure de film, je m’endors car la répétition des tortures finit par ressembler à une litanie, et cela agit chez moi comme un somnifère. Pourtant, côté perversions, le catalogue est sans fin ! Les Chinois pratiquent l’art de la torture, comme nous la peinture. Il en existe des centaines, et Mirbeau de les comparer à leurs vases de chine, ou bronze. L’art de la torture.

Evidemment l’auteur ne se contente pas simplement (même si c’est le cas) n’énumérer toutes les tortures possibles infligées à un homme, avec comme dans un zoo, la possibilité de nourrir soi-même quelques spécimen.. Non, Mirbeau juge ici notre rapport d’Occidentaux, coloniaux, face à un pays considéré à l’époque comme le tiers-monde. La Chine est le lieu des plaisirs mortels, mais avant de juger, l’Européen devrait faire son propre examen de conscience. A l »époque de l’écriture, la France utilise encore sa guillotine et envoie à la mort des milliers de soldats de ses colonies. Ici, l’auteur juge le colon qui croit toujours en la supériorité de sa culture. L’Européen peut admirer les porcelaines chinoises, mais il s’offusque lorsqu’on lui présente le jardin des supplices. Bon, je vous l’avoue, j’aurais tourné de l’oeil au premier supplice. Et je n’aurais jamais accepté d’y aller.

Voici donc les Barbares à peau jaune dont les civilisés d’Europe à peau blanche violent le sol. Nous sommes toujours les mêmes sauvages, les mêmes ennemis de la Beauté. « 

L’autre point intéressant du roman c’est de voir notre anti-héros persuadé d’être l’incarnation du mal, être peu à peu dérangé par ces visions d’horreur et voir qu’il ne comprend plus cette femme dont il est épris et qui s’émerveille devant ces plaisirs mortels.

Etrangement, je n’ai pas eu l’impression de retrouver le même auteur dans ce second roman, sauf peut-être pour la première partie. Comme je le disais, toute surenchère, que ce soit de choses belles ou ici très laides, finit par me lasser. Du coup, j’avoue que si le propos est là et Mirbeau sait condamner l’Européen et tous ses paradoxes, reste que ce n’est pour moi pas son meilleur roman. Même s’il reste, et je comprends pourquoi, un livre phare sur cette période historique et une condamnation ferme de la colonisation et du racisme, avec une première partie que j’ai trouvé implacable, superbe. La deuxième est aussi très bien écrite, mais je vous en épargne les mots.

Partout où il y a du sang versé à légitimer, des pirateries à consacrer, des violations à bénir, de hideux commerces à protéger, on est sûr de le voir, ce Tartuffe britannique, poursuivre, sous prétexte de prosélytisme religieux ou d’étude scientifique, l’oeuvre de la conquête abominable.

 

♥♥♥

Editions Folio Classique, 1988, 338 pages

Photo by Matt Zhang on Unsplash

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8 commentaires

keisha 16 novembre 2021 - 8 h 36 min

Je me souviens d’un passage d’un reportage de Nellie Bly, même époque, même chine, c’était épouvantable.

Electra 16 novembre 2021 - 19 h 26 min

Oui, il faut avoir le coeur serré et éviter d’avoir mangé avant de s’attaquer à ce livre ! Et puis, c’est encore plus sordide de voir des Français y prendre plaisir !

uneviedevantsoi 16 novembre 2021 - 11 h 32 min

Je passe mon tour pour celui-ci! En revanche, je lirai peut-être Journal d’une femme de chambre.

Electra 16 novembre 2021 - 19 h 27 min

Lis-le ! Le sujet est très différent et Octave tire un portrait d’une France qu’on n’a pas connu – j’ai pris énormément de plaisir. Ici difficile d' »aimer » ce roman si ce n’est pour son style et le talent de l’auteur.

Ingannmic 16 novembre 2021 - 14 h 21 min

Je te rejoins sur le fait que ce n’est pas son meilleur roman, et qu’on le dirait écrit par un autre que l’auteur du « journal ». J’avais apprécié tout de même, bien qu’ayant été déçue par la fin trop abrupte..
Je te conseille « Les 21 jours d’un neurasthénique », tout en ironie..

Electra 16 novembre 2021 - 19 h 28 min

Je le note ! J’ai adoré Journal d’une femme..du coup je suis certaine que les 21 jours vont me plaire !!!

Marie-Claude 17 novembre 2021 - 20 h 06 min

Tu me connais, je demeure tout de même curieuse…

Electra 18 novembre 2021 - 19 h 45 min

Je pense que tu vas plus te régaler avec le Journal d’une femme de chambre – ici on frôle l’horreur et je sais que parfois tu es toute excitée et finalement tu abandonnes ….

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