Là, où ça fait mal · Sarah de Leeuw

par Electra
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Le Caribou me l’a mis entre les mains à mon arrivée. Son premier cadeau. Je l’ai dévoré en une journée. Redoutable.

Sarah de Leeuw est Canadienne, anglophone. Elle publie ici une série d’essais personnels. J’ai pris un coup de poing dans le ventre. Ca fait du bien.

Elle se livre, avec son propre lot de malheurs, dont la disparition d’une amie très proche, mais aussi en parlant de celles qui disparaissent chaque année le long de cette tristement célèbre autoroute des larmes (des autochtones), elle parle de la perte, de l’amour, des souvenirs. Elle raconte comment un couple peut se ressouder sur le terrain d’une ancienne décharge, ou comment une éruption volcanique peut provoquer chez un enfant (elle?) une prise de conscience. Nous sommes loin du Canada enjolivé que nous montre Instagram. Ici, il pleut, il neige, il n’y a rien autour, à part cette fichue autoroute, ce brouillard, ces arbres à perte de vue. Un paysage qui accapare le récit. Et puis cette absence.

Qu’elle n’ait pas disparu sans laisser de traces. Que le bord de cette route recèle quelque chose. Ces filles disparaissent au printemps et en hiver. On les retrouve de temps en temps, gelées et recroquevillées au milieu des racines d’aulne, brisées, des aiguilles de pin recouvrant les paupières, abandonnées là sans la moindre considération, victimes du bec des aigles et des corbeaux (…) Alors puissiez-vous ne jamais voir votre fille comme une proie le long d’une route, les épaules fragiles comme l’aube, anéantie dans un fossé qu’on ne voit pas lorsqu’on passe à toute vitesse.

L’autrice a mis le point sur nos inconsistances, nos faux pas, nos failles et elle appuie là où ça fait mal. Ce qui est génial c’est son talent pour parler du petit comme du grand, de ce qui lui proche, de ce qui est universel. Elle a réussi à me toucher par sa description d’objets, d’endroits, par sa mémoire photographique, par ses émotions. Elle montre ce qui est intangible mais parfois nous est invisible. Elle m’a épatée. Une sorte de journal intime, une profonde introspection de l’âme humaine, sans que ce soit intellectuel. Elle a visé juste. Touché.

♥♥♥♥♥

Editions Léméac, 2021, Where it hurts, trad. Jean-Marie Jot, 144 pages

Photo by James Zwadlo on Unsplash

Et pourquoi pas

8 commentaires

uneviedevantsoi 25 novembre 2021 - 17 h 24 min

Marie-Claude m’avait déjà d’entrée convaincue. Tu as l’air conquise toi aussi… et tu renforces mon envie de lire ce titre.

Electra 27 novembre 2021 - 12 h 46 min

Oui, j’ai dévoré le récit. Son écriture et ses thèmes, tout me va !

Marie-Claude 26 novembre 2021 - 1 h 23 min

J’avais ton plaisir de lecture sous les yeux, en direct. Enfin, la lecture de ton billet! Je revis cette lecture. Je compte le relire. Je l’ai lu, dévoré trop vite. Dommage qu’on n’entende nul part parler de ce livre. C’est incroyable et… injuste!
Maud l’a abandonné! Après un départ sur les chapeaux de roues, elle a stallé au milieu.

Electra 27 novembre 2021 - 12 h 47 min

Oui, je savais qu’elle bloquait, mais abandonné ? C’est fou, car il est tellement bon ! Pareil, je l’ai lu trop vite, dévoré ! Du coup, je pense le relire l’an prochain. Merci pour ce cadeau !

Ingannmic 26 novembre 2021 - 9 h 56 min

Il est déjà sur mes étagères : Le Caribou sait se montrer trèèès convaincante, mais ce n’est pas à toi que je vais l’apprendre !

Electra 27 novembre 2021 - 12 h 48 min

Ah si je résiste, moi ! Bon là, impossible de dire non- tu vas adorer mais quand elle veut me faire lire du Kerry Hudson, je refuse net ! LOL

Mes échappées livresques 30 novembre 2021 - 10 h 10 min

Entre ton billet et celui de Marie-Claude, cela va être difficile de passer à côté 😍

Electra 30 novembre 2021 - 18 h 23 min

J’espère !!!

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