Toucher la terre ferme · Julia Kerninon

J'ai fait quelque chose contre la peur - Rainer Maria Rilke

par Electra
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Si vous suivez mon blog, vous savez que Julia Kerninon est mon autrice française préférée et je suis donc tout naturellement allée à la librairie Durance acheter son livre. J’ai attendu dimanche matin pour pouvoir découvrir son dernier récit, chez moi bien au chaud.

Je cite la quatrième C car cette scène illustre la tempête intérieure qui a submergé cette jeune maman un soir de novembre :

Un soir de novembre, en pyjama sur le parking de la clinique, Julia Kerninon hésite à fuir. Son premier enfant vient de naître et, malgré le bonheur apparent, elle perd pied, submergée par les doutes et la peur des contraintes. Sa vie d’avant lui revient comme un appel au large : les amours passionnels, les nuits de liberté et les vagabondages sans fin.

Dans ce récit à la fois très intime et universel, Julia Kerninon confie ici toute sa détresse au lendemain de la naissance de son premier enfant. Pendant toute sa grossesse, elle savait que sa vie allait changer, elle se voyait même devenir autre et oublier ainsi son passé de vagabonde, mais ce fut l’inverse. Elle fut submergée d’une panique intense, la voie soudainement ancrée à la terre ferme par cette nouvelle vie. Là-haut dans la chambre, l’attendent son fils et son compagnon. Julia Kerninon croit avoir perdu sa liberté, sa raison de vivre.

Elle revient alors sur ses amours passées, ses amours compliquées, ses fuites multiples, ses séjours à l’étranger. Partir loin dès que possible. Elle revient aussi sur sa profession : écrivain. Une profession solitaire, elle trimballait une vieille machine à écrire de Nantes à Paris, de Paris à Budapest. Elle noircissait des pages. Elle pensait que l’amour c’était la passion, l’ivresse, l’attente. Elle n’a pas cru à sa dernière histoire d’amour, trop calme, trop sage. Trop simple.  Elle émaille son récits d’extraits de ses poètes préférés.

Elle confie ici toutes ses craintes, mais aussi la découverte de soi à travers le regard de son enfant. Elle redécouvre une autre forme de liberté. En publiant ce récit, cela permet de mieux comprendre son précédent roman, Liv Maria.  Dans celui-ci, une femme quittait tout pour retrouver le « grand » amour. On lui a reproché une héroïne peu aimable. Mais doit-elle l’être ? Des hommes qui quittent femme et enfants pour refaire une vie ailleurs, personne ne dit rien mais une femme qui fait pareil est forcément monstrueuse.

J’aime mes enfants, mais j’aime aussi me souvenir de la jeune moi marchant défoncée sur les trottoirs de Maybachufer à cinq heures du matin pour aller racheter des cigarettes au cinquième jour d’un marathon de lecture dans mon lit. Je la cherche souvent pour me retrouver. Je crois de plus en plus que cette moi-là a des choses à apprendre à quelqu’un, davantage que celle qui écrit.

Depuis Julia s’est posée, elle est revenue sur la terre ferme. Elle a eu un deuxième enfant, vit à Nantes et continue d’écrire. Quelque chose en elle s’est soudainement dénoué. La peur est partie. J’ai retrouvé avec plaisir ses auteurs préférés et ce style, où chaque phrase, chaque mot est pesé.

Mes livres ne sont pas là pour attester ma bonne conduite. Mon écriture est là pour témoigner de ce que j’ai vu, de ce que je sais. Evidemment que je me trahis dans mes livres, mais il n’est pas censé en être autrement.

Merci Julia.

♥♥♥♥

Editions Iconoclaste, 2022, 115 pages

 

Photo by Jonatán Becerra on Unsplash

Et pourquoi pas

14 commentaires

uneviedevantsoi 24 janvier 2022 - 8 h 44 min

Je te lirai lorsque j’aurai rédigé ma chronique, je l’ai lu ce week-end et ça m’a fait penser à toi par ailleurs ☺️

Electra 24 janvier 2022 - 18 h 06 min

Ah ! Hâte de te lire alors 🙂

keisha 24 janvier 2022 - 9 h 02 min

J’ai lu récemment Le chaos ne produit pas de chef d’oeuvre (pas de billet= l’auteure est toujours intéressante, je ne connaissais pas ce dernier titre que tu présentes!

Electra 24 janvier 2022 - 18 h 07 min

Oui, j’aime son écriture et son regard en général sur la vie – j’ai tout lu d’elle hélas (mais je pense relire son essai sur le métier d’écrivain)

Fanny 24 janvier 2022 - 18 h 29 min

Il m’attend.
J’espère être touchée même si le thème ne me tentait pas trop.
J’aurais pu la rencontrer demain, elle vient en dédicace dans une de mes librairies-chouchou mais impossible de me libérer 😅.

Electra 24 janvier 2022 - 18 h 31 min

ah oui ? dommage, je l’ai rencontrée et j’aime beaucoup l’écouter ! Oui, pareil le thème n’était a priori pas trop mon truc mais au final j’ai beaucoup aimé donc j’espère qu’il te plaira quand même 🙂

Fanny 24 janvier 2022 - 21 h 41 min

Je me dis que si tu as aimé, il y a de grande chance qu’il me plaise aussi.

Electra 25 janvier 2022 - 14 h 36 min

je croise les doigts !

Marie-Claude 30 janvier 2022 - 1 h 42 min

Le sujet ne me tente pas plus que ça, je passerai donc mon chemin (même pour ton auteure française chouchou)!

Electra 30 janvier 2022 - 16 h 10 min

t’inquiète ! tu as bien mieux à faire 😉

athalie 30 janvier 2022 - 9 h 44 min

Je pense lire d’abord Liv Maria. Le titre que tu présentes me parait trop intimiste pour commencer à lire cette autrice. Et cette peur de devenir mère, je la comprends peut-être un peu trop, aussi. Même si ça s’est passé il y a bien lontemps pour moi ^-^

Electra 30 janvier 2022 - 16 h 11 min

Oui ! tu peux lire ses autres romans ou lorsqu’elle aborde le métier d’écrivain dans ses essais, là j’adore aussi !

Mes échappées livresques 31 janvier 2022 - 7 h 31 min

J’aime aussi beaucoup Julia Kerninon et si le sujet ne m’emballe pas plus ça, je suis curieuse de le lire malgré tout pour retrouver sa plume.

Electra 31 janvier 2022 - 10 h 19 min

Pareil, le sujet n’était pas très intéressant mais son regard et son style l’ont emporté sur le reste !

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