Brutes · Dizz Tate

par Electra
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J’avais emporté ma liseuse à Berlin et j’ai commencé ce livre dans l’avion. Je savais que cette lecture allait être dérangeante, et ce fut le cas. Je crois que les rares fois où j’ai parlé de ce livre, mes impressions étaient troublées par ce récit peu commun, signé par Dizz Tate. C’est en écoutant deux avis sur Brutes que je me suis lancée, sans trop connaître l’histoire sauf cela :

Falls Landing en Floride – un lieu où l’accueille plusieurs parcs d’attractions, mais aussi les alligators qui nagent dans les marais, et dévorent les bougainvilliers, et où gît au fond, un sinistre secret.

We would not be born out of sweetness, we were born out of rage, we felt it in our bones.

A Falls Landing, les filles s’ennuient, les garçons eux, attendent l’âge de 16 ans pour passer le permis et fuir cette ville écrasée par la chaleur et les moustiques. Une bande d’adolescentes (13 ans) s’occupent en harcelant d’autres élèves à l’école, elles ont été souvent réprimandées et sont totalement incomprises par leurs mères. Elles se fichent de leurs pères, trop absents. Lorsqu’Eddie arrive, toutes les filles en tombent amoureuses. Il a 16 ans et il est beau comme un Dieu. Mais celui-ci a déjà une petite amie officielle, et une autre, en secret. C’est Sammy, la fille du pasteur. Elle aussi a surgi de nulle part. Les gamines ont découvert leur secret et le soir, elles vont voir les Roméo et Juliette se retrouver au bord du lac.

Sammy est belle ; à l’inverse, elles, on les remarque à peine. Elles sont dans l’âge ingrat. Et lorsqu’un concours de beauté est organisé, elles comprennent qu’elles n’ont aucune chance de gagner. Leur haine, leur jalousie ne fait alors qu’augmenter.  Personne ici ne va jamais se baigner, c’est trop dangereux, les courants, les alligators. Pourtant un jour, l’une d’elle pousse une fille dans l’eau. Eddy et Sammy vont la chercher et passent une soufflante aux filles. Désarmées, elles répondent comme elles l’ont toujours fait, en rigolant. Mais au fond, elles se détestent tout autant…

Un soir, les filles, agglutinées sur un balcon, repèrent une autre garçon, plus jeune, qui ose aller se baigner. Elles ignorent qui il est et le surnomme le garçon du Lac. Puis une nuit Sammy disparaît. Les regards se tournent vers Eddy. Les filles suivent les infos en continuant leurs méfaits…  Les années passent, adultes, elles ont fui la Floride pour la plupart, et fui leur passé tout simplement. Mais un jour, elles croisent une personne et tout leur passé remonte à la surface…

Le premier mot qui me vient à l’esprit pour décrire ce roman est malaise, mais il demeure passionnant même s’il offre une vision terrifiante de l’adolescence, de la cruauté que des gamines de 13 ans peuvent infliger aux autres. L’éditeur compare ce roman à The Virigin Suicides, et je serais très curieuse de voir ce récit adapté par Sofia Coppola, car je pense qu’elle pourrait vraiment traduire ces sentiments de haine et de solitude qui les rongent dans cette Floride asphyxiée par la chaleur et l’humidité.

Brutes est l’adjectif que leurs mères ont employé à leurs égards après avoir appris ce qu’elles avaient fait. Dizz Tate a réussi de manière magistrale à capter la violence qui guide les pas de ces adolescentes. Elles voudraient tant être vues, mais elles sont trop jeunes. Les garçons s’en fichent, et les filles plus grandes, sauf Sammy, ne leur portent aucune attention. Elles sont aussi à cet âge où tout tourne très vite à l’obsession, celle envers Sammy par exemple.

Le roman aborde également le pouvoir de la meute – seules, elles sont faibles. Comme à l’âge adulte, où chacune doit gérer sa propre histoire, elles sont perdues. Un roman qui dérange, qui peut choquer, tant la haine et la violence sont présentes mais qui a un écho particulier ces derniers jours avec l’actualité. Il m’a fait penser à un film néo-zélandais, datant de 1994, Heavenly Creatures (Créatures célestes) où l’amitié malsaine de deux adolescentes allait tourner au drame.

Je comprends mieux le buzz autour de ce livre. Une lecture qui ne vous laissera pas indifférente.

♥♥♥♥

Lu sur Kindle, éditions Faber&Faber, 2024, 240 pages

 

Photo de César Couto sur Unsplash

14 commentaires

Sunalee 13 mai 2024 - 9 h 14 min

C’est très tentant ! ça me rappelle ce que j’ai lu à propos de la Révolution culturelle en Chine (j’ai abandonné le bouquin depuis parce que je m’y perdais): des groupes d’adolescentes de 13-14 ans attaquaient en meute les adultes, leurs enseignants, toute personne qui ne correspondait pas à des idéaux qu’on leur avait inculqué.

Electra 13 mai 2024 - 15 h 04 min

oh ! ça fait peur ton histoire, et en même temps après avoir lu ce roman, je peux le croire car elles peuvent vraiment être très méchantes. Je pense que ce livre te plairait

Ingannmic 13 mai 2024 - 10 h 04 min

Ca me rappelle ma lecture de Mâchoires, de l’écrivaine équatorienne Monica Ojeda. Et ça me fait drôlement envie…

ingannmic 13 mai 2024 - 10 h 06 min

Bon, visiblement pas traduit en français…..

Electra 13 mai 2024 - 15 h 05 min

Pas encore, mais il fait vraiment sensation donc j’espère qu’un éditeur français va le traduire rapidement !

Electra 13 mai 2024 - 15 h 04 min

Je ne connais ni le roman ni l’autrice que tu mentionnes, mais le titre est déjà très évocateur …

Autist Reading 13 mai 2024 - 15 h 05 min

Je ne l’ai pas vu passer celui-ci et je n’ai même pas souvenir d’avoir lu quoi que ce soit à son sujet. Pourtant, le sujet est intéressant et si, en plus, le traitement est top, ça aurait été dommage… Merci pour le conseil qui fait office de piqûre de rappel (sans rappel) !

Electra 13 mai 2024 - 16 h 00 min

De rien ! j’ai vu deux YT (je crois) en parler et ensuite sur les réseaux anglophones, je l’ai de nouveau croisé, il faut dire que le sujet et surtout la vision d’une jeunesse violente et désenchantée est vraiment très spéciale. Malsain est un adjectif qui va très bien, donc si ça ne te fait pas peur , fonce !

je lis je blogue 13 mai 2024 - 17 h 41 min

J’ai pensé aussi au roman de Monica Ojeda que je n’avais d’ailleurs pas autant apprécié qu’Ingannmic. Les histoires d’adolescentes ne sont pas vraiment ma tasse de thé. Le malaise que tu as éprouvé en lisant ce roman ne m’incite pas trop à le lire.

Electra 14 mai 2024 - 18 h 01 min

oui, on a tous nos sujets ou thèmes qu’on ne souhaite pas lire – moi un roman sur un homme français, je passe toujours …

Fanja 14 mai 2024 - 23 h 58 min

Tout comme Je lis, je blogue (sauf la première phrase^^). C’est vraiment très précisément tout ce que tu décris d’ailleurs que je n’aime pas dans les histoires d’adolescents, quand j’y pense.

Electra 16 mai 2024 - 20 h 20 min

oui, comme je lui disais, pareil je fuis certains romans pour leurs thèmes, moi j’aime les histoires d’adolescents et je déteste les adultes qui se regardent trop le nombril (très courant chez les auteurs français)

Marie-Claude 15 mai 2024 - 16 h 06 min

Tu sais, moi et les ados… Tu te doutes bien que j’attends avec impatience une traduction! En attendant, tu m’as donné envie de lire enfin Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides…

Electra 16 mai 2024 - 20 h 21 min

ah oui, il faut lire Virgin Suicides ! oh j’ai immédiatement envie de le relire. Celui-ci te plaira aussi, il dérange mais en même temps, je le trouve nécessaire.

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