The missing • Tim Gautreaux

par Electra
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J’avais déjà croisé à plusieurs reprises le livre de Tim Gautreaux en librairie (il est d’ailleurs sorti en Poche), et l’histoire me plaisait bien : un enfant est enlevé à la Nouvelle-Orléans, dans les années 20, au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Un jeune Cajun, Sam Simoneaux,  embarque sur un bateau à aubes avec la ferme intention de retrouver la petite fille. Le voyage peut commencer….

J’ai choisi de le lire en anglais car je savais que le héros (et le romancier) étant Cajun, il y aurait de grande chance pour que le français fasse son apparition ci-et-là et ça n’a pas loupé. C’était pour moi plus marquant puisque le texte était en anglais et que le personnage raconte à un moment précis qu’il lui est désormais plus facile de parler anglais que cajun. Mais revenons au livre et à l’histoire. Tim Gautreaux a véritablement réussi un tour de force en nous faisant remonter le temps ! Le lecteur rencontre Sam, le héros de l’histoire alors qu’il débarque à Saint-Nazaire en 1918. Il découvre alors que l’armistice vient d’être signée, la guerre est terminée. Reste cependant de nombreuses zones à déminer. Sam revient au pays sans avoir combattu mais avec un sentiment coupable, il a blessé une petite fille, orpheline.

Installé avec sa jeune épouse à la Nouvelle-Orléans, Sam mène une vie plutôt confortable. Vigile dans un des plus grands magasins de la ville, il assiste impuissant à l’enlèvement d’une petite fille (âgée de 3 ans). Sam est congédié. L’homme ne s’en remet pas, il a perdu un enfant il y a peu à la suite d’une forte fièvre, et décide de rechercher les responsables. Les parents de la petite Lily Weller sont musiciens à bord du bateau à aubes, l’Ambassador qui remonte le Mississippi et organise des soirées dansantes. C’est l’époque de la prohibition et comme si, le lieu, un bateau, les autorisait : l’alcool coule à flots et certaines de leurs soirées ne comptent que des pauvres blancs-becs, prêt à dégainer sur tout ce qui bouge.

Sam raconte merveilleusement bien la vie sur ce bateau, le travail épuisant, mais aussi l’entraide, l’humour toujours présent, la musique, jouée par des musiciens noirs ou blancs (selon la clientèle) et cette époque charnière, entre les deux guerres, où le jazz (joué par des Noirs) commence à percer et puis cette classe prolétaire qui doit survivre comme elle le peut, alors que la bourgeoisie affiche ses richesses. L’enquête se poursuit, comme fil conducteur de l’histoire, mais Gautreaux va beaucoup plus loin. Il nous raconte sa Louisiane, celle des Cajuns, considérés encore comme des sous-hommes, et régulièrement raillés. Ils ont le malheur de parler français et d’être catholiques. Des bons à rien. Fort heureusement, le héros ne perd ni son intelligence, ni son humour face à ce genre de remarques. Il les envoie balader, en français, bien entendu.

Sam est un personnage très attachant, comme Elsie, la mère de la petite Lily ou son frère, August, l’adolescent perturbé par toutes ces tragédies. Sam est lui-même orphelin : alors qu’il n’était qu’un bébé, sa famille entière a été assassinée par un groupe d’hommes venus d’un autre État. Les années ont passé et Sam n’y a plus pensé. Il a grandi auprès d’un oncle et d’une tante aimants. La disparition de cette petite fille va pourtant le rapprocher des coupables, et le personnage poussé par un ami, va vouloir découvrir la vérité. L’auteur nous pose la question : la vengeance est-elle nécessaire ? La justice oui, mais la vengeance ?

Nous sommes dans les années 20, les escrocs, les braqueurs de banque ou les contrebandiers (en alcool) parcourent encore le pays et font encore régner la terreur et leur loi sur certaines parties du pays. Tim Gautreaux nous embarque dans ce Sud et nous voilà au milieu de cette musique de jazz, ou dans marécages poisseux de Louisiane, les odeurs et les sons nous assaillent comme si l’auteur avait su nous faire voyager dans le temps. On s’attache aux personnages et on n’a pas envie de les quitter, guidé par la quête de Sam, sa promesse faite aux parents (sera-t-elle tenue ?) mais aussi sa propre quête d’identité. Un roman passionnant de bout en bout.

Petit aparté : lors de mon premier voyage en Louisiane (3 au total), j’ai mis beaucoup de temps à réaliser que les gens parlaient français, tant leur accent et leur langage est différent. Ainsi, il m’a fallu plusieurs minutes pour réaliser que le groupe qui chantait dans ce bar de la Nouvelle-Orléans chantait en cajun ! Par contre, j’ai trouvé plus aisé de parler avec une femme Cajun lors de notre visite d’Avery Island où se trouve la première usine de la fameuse sauce Tabasco.

J’ai découvert dans ce livre le terme de « Coonass » pour désigner les Cajuns. Son origine reste incertaine, si j’ai pensé de suite à l’insulte française, il en ressort que le terme était employé avant que les Soldats américains ne reviennent de France avec une nouvelle liste de jolis noms d’oiseaux. Pour d’autres, le terme viendrait de racoon (raton-laveur), animal connu pour ses larcins, et d’ass (cul), genre de cul-terreux … Aujourd’hui, le terme est jugé insultant s’il est employé par un touriste ou un Américain lambda, mais beaucoup de Cajuns l’utilisent entre eux (de nombreux clubs sportifs ou de loisirs l’utilisent).

♥♥♥♥♥

The Missing (Nos disparus), Éditions Sceptre, 422 pages

Et pourquoi pas

13 commentaires

Marie-Claude 8 janvier 2016 - 2 h 52 min

Tout pour me plaire! Tu sais s’il y a une traduction? (pas le temps de chercher!)
Et j’adore ton aparté. Attache ta tuques, lorsqu’on va se voir, tu vas me trouver tannante avec mes 1000 questions. C’est TOUT ton périple aux États-Unis qu’il faudra me raconter. Après, on pourra parler lecture!
Bonne surprise de la journée: City on fire en sp dans ma boîte aux lettres. Très alléchant. Mais là, je vais sous la couette avec mon western d’enfer. J’en suis à la moitié du tome 2 et ça passe trop vite!

Electra 8 janvier 2016 - 13 h 01 min

Oui il existe la version française, intitulé Nos disparus 😉
Oh la chance pour City on fire ! comment as-tu réussi à avoir tous ces SP ??
Oui, toujours avec Gus ? j’imagine que ça passe trop vite, je me souviens de mon plaisir de les retrouver dès que j’avais cinq minutes de libre !!!
Je reviens de faire quelques achats et j’ai encore trouvé le moyen d’acheter une orchidée 😉

Marie-Claude 9 janvier 2016 - 19 h 42 min

« Nos disparus » sont bien notés! Merci pour l’info.
Pour les sp, plusieurs attachées de presse m’ont contactée depuis qu’elles connaissent l’existence de mon blogue. Et j’en ai contacté quelques-unes au début. Depuis que le contact est établi, nous sommes en constante communication. Aussi, je demande les livres que je souhaite lire et j’achète ceux que je ne reçois pas. Parfois, j’ai des surprises dans ma boîte aux lettres, comme c’est le cas avec « City on fire ». J’ai souvent de moins bonnes surprises… Je lis rarement les trop nombreux bouquins non sollicités qui me sont envoyés. Heureusement, plusieurs attachées de presse commencent à bien connaître mes goûts et elles se trompent rarement!
J’ai malheureusement terminé « Lonesome Dove » il y a quelques jours. Je suis en deuil… Billet à paraître lundi!
Tu collectionnes les orchidées en plus des livres?!

Electra 10 janvier 2016 - 12 h 01 min

Oh tu as fini Lonesome ?? Oh c’est dur ! Depuis le temps que tu les attendais !
Bon hâte de lire ton billet 🙂
Moi je n’ose pas trop demander, et avec les attentats, je n’ai pas eu le coeur de lire les livres que j’avais reçus, enfin pas tous ! mais je vais le faire et ensuite je verrais 😉
Pour les orchidées, j’en ai quelques unes – j’ai craqué devant celle-ci car elle était en mauvaise forme, pleine de bourgeons mais les fleurs tombaient, faut dire qu’elle était à l’ombre, cachée par d’autres.. Bref, maintenant elle trône fièrement dans ma cuisine 😉

keisha 8 janvier 2016 - 9 h 40 min

Oui, il est paru en France il y a un bout, si j’en vois l’histoire (mais pas lu) J’ai entendu l’auteur au festival america 2014 (rappel, le prochain est en 2016, je dis ça je dis rien)
J’adore tes anecdotes aussi.
Pour Brink, la LC , le 7 mars ça t’irait? Je transmets les infos.
C’est quoi ton adresse mail? J’aurais (peut être) à te contacter.

Electra 8 janvier 2016 - 13 h 04 min

oui le fameux festival j’ai noté .. en septembre, ça a lieu le we ? car en semaine, je serais au boulot (et pas trop le moyen de m’absenter vu que mes collègues seront en vacances)
Merci ! Oui le 7 mars ça va me va (j’ai une semaine de vacances fin février)
mon adresse mail : nellagene chez gmail.com

keisha 9 janvier 2016 - 13 h 51 min

Oui le WE, du vendredi soir au dimanche soir. j’y suis allée deux fois déjà. Bonne ambiance, pas du tout comme le salon de Paris. ^_^ Et il y a des blogueuses sympa.
Je t’écris par mail.

Eva 8 janvier 2016 - 10 h 41 min

Je l’ai lu en français et j’avais beaucoup aimé l’ambiance de ce roman!
J’adorerais aller en Louisiane, et visiter la Nouvelle-Orléans, tu as de la chance d’y être allée 3 fois!
pour « coonass », « coon » ou « koon » est aussi une façon insultante de dire « Noir », comme « nigger »…

Electra 8 janvier 2016 - 13 h 05 min

Oui, je le savais mais j’ai enlevé cette conotation, ils pensent que coonass voulait dire « encore plus bas dans l’échelle que les Noirs » bref.. pas très joli !! mais c’est amusant car les Cajuns entre eux ne sont pas d’accord sur l’origine 😉
Oh tu adorerais la Louisiane, c’est magique et la Nouvelle-Orléans, on y sent encore la présence de nos ancêtres ! Je trouve dommage que cette ville soit un peu oubliée car elle est vraiment à part, The Big Easy 😉

Léa Touch Book 8 janvier 2016 - 12 h 22 min

J’adore cet auteur ! Je l’ai lu en V.F. et il est vraiment génial 🙂

Electra 8 janvier 2016 - 13 h 06 min

Oui ! je l’ai trouvé en vo mais oui il est super doué à recréer une ambiance, on voyage vraiment dans le temps grâce à lui 🙂

Valentine Pumpkins 8 janvier 2016 - 13 h 27 min

Je ne connaissais pas mais ça m’intrigue pas mal, je n’ai jamais lu une histoire qui s’en rapproche, je sens que je vais me laisser tenter 🙂

Electra 8 janvier 2016 - 13 h 37 min

Tu ne seras pas déçue !

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