Nous avons toujours vécu au château ∴ Shirley Jackson

par Electra
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J’avais ajouté ce roman dans ma chronique « Ils me font de l’oeil » après avoir découvert qu’il s’agissait d’un classique de la littérature américaine.  Et aujourd’hui, je comprends parfaitement sa place !

Je ne connaissais l’auteure, Shirley Jackson, que de nom. Je la croisais beaucoup sur les réseaux sociaux anglophones, j’ai acheté l’un de ses romans (Hangsaman) qui m’attend sagement. Puis j’ai déniché par hasard une bande-dessinée inspirée de l’une de ses nouvelles les plus connues, La loterie.  Et j’ai compris qui se cachait derrière ce nom, un génie !

Nous avons toujours vécu au château en est une autre preuve. Une lecture ju-bi-la-toire ! La première moitié en tout cas, j’ai adoré ! Et pourtant, le sujet, comme tous les romans de Jackson est plutôt sombre.

Je m’appelle Mary Katherine Blackwood. J’ai dix-huit ans et je vis avec ma soeur Constance. J’ai souvent pensé qu’avec un peu de chance, j’aurais pu naître loup-garou, car à ma main droite comme à la gauche, l’index est aussi long que le majeur (…) Je n’aime pas me laver, je n’aime pas les chiens (…) tous les autres membres de ma famille sont décédés.

Katherine sort rarement du château, uniquement les mardi et jeudi lorsqu’elle y est obligée, pour aller faire les courses et emprunter les livres à la bibliothèque. Car les gens du village les haïssent et le lui montrent à chaque fois. Quand elle entre dans le magasin, on s’écarte, on la regarde. On murmure les insultes. Et Katherine les hait en retour. Elle trouve le village sombre et laid, comme ses habitants : « le fléau qui sévissait n’avait jamais été le fait des Blackwood ; les villageois n’avaient que ce qu’ils méritaient, et aucun autre lieu n’aurait pu mieux leur convenir. A chaque fois que je me dirigeais vers ce magasin, c’est à ce pourrissement que je pensais, une lèpre noire et brûlante, lancinante, qui rongerait tout de l’intérieur, causant des souffrances atroces. Je l’appelais dans tous mes voeux dans mon désir de l’infliger sur le village entier. »

Incroyable, non ? Le meilleur début de roman jamais lu ! J’ai trouvé cela jubilatoire comme le retour au château, où la jeune Katherine vit avec sa soeur ainée, Constance, qui gère toute l’intendance et interdit à Katherine de toucher à quoi que ce soit dans la cuisine ou d’entrer dans les chambres. Elles y vivent avec leur oncle Julian, affaiblit depuis la tragédie qui les a frappés il y a six ans. Une tragédie dont le vieil homme, coincé dans son fauteuil roulant, ne cesse de revivre chaque jour. Il tente de tout raconter dans un roman, les derniers instants de son frère John et de sa belle-soeur, de son neveu et de son épouse Dorothy.

 

Katherine préfère les bois qui entourent la propriété, elle s’y est construit un monde magique avec son chat Jonas. Un lit de feuilles morte l’accueille. Elle rêve d’emmener Jonas et Constance sur la Lune. Cloîtrée dans ce château, protégée par une immense clôture de barbelés, la jeune femme y enterre ses objets fétiches, afin de protéger les siens de ce monde extérieur.

Elle croit y être parvenue mais un jour, l’un des objets fétiches tombe de l’arbre et un intrus entre dans leur maison. Il s’agit de Charles, un cousin germain,  dont le père l’avait tenu éloigné de sa famille. Le jeune homme est persuadé que ses cousines cachent une vraie fortune dans leur château et il s’installe dans la demeure, séduisant Constance au grand dam de Katherine.  Le diable est entré dans le demeure, en croyant y être le seul….

Je n’en dirais pas plus, mais je comprends pourquoi ce roman est devenu culte. Shirley Jackson adorait faire peur et avoir peur. Et ici, même si j’ai rapidement deviné une partie de l’histoire liée à la tragédie, cela n’a en rien diminué mon plaisir à lire ce roman culte. Je ne suis pas particulièrement fan des histoires d’horreur, mais j’adore ce genre particulier. Comme j’ai adoré La loterie.  Dans mon très jeune âge, je regardais La quatrième dimension et j’ai toujours aimé le sensations que ça procure.

Une cliente gloussa et une autre fit « chut ». Je ne me retournai pas ; cela me suffisait bien de les sentir toujours dans mon dos, je n’avais aucune envie de voir leurs visages gris, quelconques, aux yeux chargés de haine.  Je voudrais vous voir toutes mortes, pensais-je, et je brûlais d’envie de le dire à voix haute. (..) Je rêvais d’entrer dans l’épicerie un matin et de les voir toutes à l’agonie.

Shirley Jackson a publié ce roman en 1962 (la nouvelle La loterie fut publiée au milieu des années 50). Elle est décédée peu de temps après. Pourtant ici, le temps n’a aucun effet. Ses écrits sont intemporels.

Dorénavant j’ai hâte de lire ses autres écrits, et je suis ravie d’avoir dans ma bibliothèque un autre de ses livres. Je vous invite à vous précipiter sur ce roman et/ou sur la magnifique adaptation graphique de La loterie (réalisée par son propre petit-fils).

♥♥♥♥

Editions Rivages, Noir, We have always lived in the Castle, trad. J.P Gratias, 2012, 240 pages

Et pourquoi pas

17 commentaires

Marie-Claude 12 février 2018 - 3 h 41 min

Il m’attend dans ma bal. Tu m’a encore devancée! Tu m’apprends que « La loterie » que je veux et qui coûte la peau des fesses est une adaptation de ce roman.
Je le veux d’autant plus! Je crois bien que je ne tarderai plus trop à le lire…
Question: devant tant d’enthousiasme, pourquoi pas 5 coeurs?

Electra 12 février 2018 - 7 h 09 min

Non ! la loterie n’est pas une adaptation de ce roman, c’est une nouvelle adaptée en un roman graphique. Ce roman est n’a rien à voir 😉 (je vais me relire de ce pas! – j’ai modifié un peu la fin pour être plus claire, désolée)
Bonne question ! parce que le début, enfin la première moitié est si jubilatoire que j’ai trouvé la fin (même si passionnante) moins jouissive mais il faut le lire c’est certain ! Te connaissant, tu vas adorer !

keisha 12 février 2018 - 8 h 49 min

Il y a beaucoup de fantastique dans ce roman?

Electra 12 février 2018 - 9 h 37 min

Non ! Pas du tout. Il n’y a pas de fantastique. C’est au contraire très réel et c’est ce qui fait peur ! Comme pour La loterie. Une histoire d’horreur qui puise sur le réel.

Fanny 12 février 2018 - 10 h 17 min

Je t’ai déjà dit que j’ai peur d’avoir peur? C’est pour cela que je m’interdis certains romans de S.King.. 🙂
Un jour je parviendrai à dompter ma peur! (Oui je sais ça fait beaucoup de « peur » pour un si petit commentaire 😉 )

Electra 12 février 2018 - 11 h 48 min

Trop chou ! Oui elle aime faire peur (et avoir peur). Mais tu pourrais tenter une de ses nouvelles ?

Eva 12 février 2018 - 11 h 28 min

c’est un titre qui me tente beaucoup, j’ai hâte de le lire !

Electra 12 février 2018 - 11 h 48 min

Tu vas aimer c’est jubilatoire !

Mingh edwige 12 février 2018 - 14 h 00 min

Merci pour ce commentaire à propos d’un auteur dont le nom m’était connu mais pas l’oeuvre. J’ajouterai volontiers ce titre à ma liste ! Pour ceux ou celles qui aiment avoir peur, je conseillerai Michelle Paver (britannique) et son roman « 40 jours de nuit »… J’ai vraiment eu du mal à m’endormir ! Et pourtant je suis fan d’émotions fortes…

Electra 12 février 2018 - 14 h 08 min

Merci pour le conseil moi aussi je la connaissais de nom et je suis heureuse d’avoir franchi le pas ! Elle mérite le détour

Titezef 12 février 2018 - 17 h 13 min

J’ai lu et relu d’ailleurs La loterie en bd (enfin,plus adaptation grafique comme tu dis) j’aime beaucoup les dessins et trouve de nouveaux détails à chaque relecture du texte.
Je ne connais pas du tout son œuvre par contre. Ce roman que nous présente est tres tentant. Et puis quelle photo !!!

Electra 12 février 2018 - 18 h 21 min

Oui il est sublime ! Quel plaisir et la femme est magnifique et quelle histoire ! Ce roman te permet de retrouver l’esprit un peu tordu de cet écrivain

Virginie 12 février 2018 - 19 h 35 min

Tu piques ma curiosité !! si je le trouve, je n’hésite pas !

Electra 12 février 2018 - 19 h 40 min

Super ! Tu vas voir, c’est jouissif puis ça devient plus sombre mais ça décoiffe !

luocine 13 février 2018 - 12 h 16 min

je trouve la photo absolument magique tu peux me dire d’où elle vient. sinon je ne lis pas trop les livres d’horreur mais le billet donne envie

Miss Léo 14 février 2018 - 13 h 40 min

Excellent roman, j’avais beaucoup aimé ! J’ai le recueil de nouvelles « The Lottery » dans ma PAL, il faudrait que je le sorte…

Electra 14 février 2018 - 13 h 59 min

Il faut le ressortir, La loterie est tip top ! Je le veux à présent 🙂
un auteur culte, je comprends mieux pourquoi !

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