Heartbreaker Stories ∴ Marijan Meiers

par Electra
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C’est en regardant une de mes booktubeuses américaines préférées (la seule américaine) que j’ai découvert l’existence de ce recueil de nouvelles. Elle prévenait qu’il « dérangeait » et n’était pas à mettre entre toutes les mains mais le gardait dans ses lectures préférées de l’année. Et la couverture elle-même a éveillé ma curiosité. Je l’ai gardé pour le challenge #maiennouvelles et la lecture fut… intense !

Heartbreaker Stories est signé par Maryse Meijer – des histoires de briseurs de coeur ? Ou de coeurs brisés ? Je pencherais plutôt pour le deuxième. Les personnages de ce recueil sont des pères de familles, des jeunes gens à la vie dorée, des dealers, des enfants, des hommes qui aiment un peu trop les enfants, ou des adolescents qui s’amourachent d’une flamme…. Tous ont quelque chose de noir au fond de leur coeur. Un bout de charbon.

Difficile de raconter ce recueil, mais je peux vous dire que le malaise s’installe, puis l’incompréhension, la gêne .. toute une myriade d’émotions que nous offre l’auteur. Des émotions dont on n’aime pas parler généralement, des émotions que l’on évite de ressentir mais qui sont humaines. Maryse Meijer pousse le lecteur dans ses retranchements. Ainsi lorsque ce jeune garçon s’invite chez un voisin connu pour ses penchants pédophiles et qu’il « joue » avec ses émotions, on ne sait pas comment réagir…

S’il y a un fil conducteur dans ce recueil, c’est cette solitude profonde, cette envie de tout détruire en retour qui remue chaque personnage. Ils sont seuls et haïssent la terre entière.

Ils ont perdu un enfant, ils jalousent cet adolescent attardé, ils sont si seuls et malheureux qu’ils ne supportent pas d’être rejeté, comme cette adolescente qui décide de s’amuser avec son voisin trisomique en l’excitant mais qui ne voit pas venir le revers de ce jeu pervers…. On s’attache à elle, car elle crie son désespoir, sa solitude à la face de la terre entière mais personne ne l’entend.

On her street she sees Frog riding his skate-board, smiling his stupid smile. She doesn’t know what’s wrong with hime exactly that he smiles like that, like a dog, at everything and everybody, even when someone is calling him Faggot or Freak or Frog.

L’auto-destruction est l’autre solution, après la violence. Ces personnages sont souvent effrayants mais aussi terriblement humains. Impossible de ne pas les suivre dans leur parcours. Ainsi lorsqu’un homme canadien argenté décide de prendre à bord de sa berline un jeune américain qui fuit quelque chose, on sent le danger venir .. mais d’où ? … La noirceur de ses personnages n’apparaît jamais immédiatement. Elle s’installe insidieusement et c’est addictif !

On veut connaître la suite même si on se sent un peu … voyeur, et moi lectrice, je suis passée de l’autre côté. Celui du prédateur.  Il m’est difficile de décrire ce recueil « coup de poing » et j’ignore s’il plaira à tous.

 The hills were fireless as far as the eye could see. Finally a child asked Is it over ? Yes, its father answered. Thank God, someone else added. Then silence again. I held my head in my hands. I was dry inside, so dry I could burn. And I am burning still.

La couverture illustre parfaitement ce livre qui vous prend aux tripes, comme lorsque l’on suit cette gamine qui a grandi auprès de cet homme, son père soit-disant, jusqu’au jour où elle se sait saisi d’un couteau .. Et que dire de cette nouvelle où un garçon aime tant les incendies qu’il fait de ce feu qui fait rage sa petite amie et qu’il en devient presque jaloux ?

Maryse Meijer a une imagination folle mais captivante et tellement innovante parmi tous les auteurs que je côtoie. Elle va plus loin que ses confrères, lève les conventions et la normalité, révélant toute la fureur et la violence que quelqu’un peut infliger au nom de l’amour ou de la solitude. J’adore le fait qu’elle ne s’est pas fixée de limites dans son processus créatif et le résultat est étourdissant.

Evidemment, son recueil peut déplaire – car après chaque nouvelle, on ressent en soi comme une forme de malaise ou dégoût. Des émotions qui ne sont pas les plus agréables à ressentir et qui peuvent rebuter un certain lectorat.

Un premier recueil déstabilisant, faites qu’il soit rapidement traduit pour tous les lecteurs francophones ! Sinon, je le fais !

♥♥♥♥♥

Editions Farrar, Straus & Giroux, 2016, 208 pages

Et pourquoi pas

10 commentaires

Mingh edwige 26 mai 2018 - 11 h 02 min

Curieuse et tentée par ce genre de littérature. On aimerait en savoir plus sur l’auteur elle-même . Est-ce son seul recueil ?

Electra 26 mai 2018 - 11 h 04 min

Oui son premier ! Elle m’a écrit un petit mot. Apparemment il intéresse des éditeurs français. Il faut le lire !

Marie-Claude 26 mai 2018 - 13 h 16 min

Tu commences la traduction? Je suis impatiente, moi!

Electra 26 mai 2018 - 14 h 10 min

J’aurais pu mais une petite fée me dit qu’un éditeur français s’est déjà penché sur son berceau ….

Marie-Claude 30 mai 2018 - 14 h 54 min

Une petite fée d’où? Dis-moi tout!

Electra 30 mai 2018 - 15 h 06 min

L’auteure !

titezef 26 mai 2018 - 13 h 49 min

Ah oui … quel ressenti … !
J’ai vu son petit mot. Sympa cette venue sur IG.
Et je te prend au mot Miss, pour la traduction. Je prendrais bien moi aussi une ptite dose de noir, malaise et tout et tout

Electra 26 mai 2018 - 14 h 11 min

Oui, j’ai rarement vécu ça « en lisant » – elle n’a pas de limites, c’est très fort. Son petit mot est adorable et quelle surprise ! Pour la traduction, j’espère qu’elle va concrétiser LOL

Marie-Claude 30 mai 2018 - 14 h 54 min

Une petite fée d’où? Dis-moi tout!

Electra 30 mai 2018 - 15 h 07 min

croisons-les doigts !

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