Une proie trop facile – Yishaï Sarid

par Electra
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soldate-israelienne

Repéré lors de la rentrée littéraire en janvier dernier, dans la collection Babel Noir, ce polar israélien ne cessait de me faire de l’oeil. Décidée à l’acheter, je ne le trouvais dans une aucune librairie. Puis en voyage à Québec, je le croisais à nouveau mais à un prix plus élevé. Alors quand je l’ai enfin déniché en neuf à la FNAC, je n’ai pas hésité une seconde. Et le soir-même, j’ai commencé à le lire .. pour ne plus m’arrêter !

Le narrateur (sans nom) est un jeune avocat de Tel-Aviv d’une trentaine d’années qui vit de vaches maigres depuis qu’il a quitté le prestigieux cabinet Meizels. Il ne lui reste plus qu’un seul client, Lavy, un homme épuisé par un conflit d’héritage. Il accepte les missions d’un ancien client, Shabtaï, qui lui demande de se porter garant dans des affaires nébuleuses en échange de quelques dollars. Il abrite chez lui Niva, son amour de jeunesse mais leurs relations sont aujourd’hui totalement distendues et il ne supporte plus la présence de cette jeune femme, qui ne paie aucun loyer et consomme de la drogue chez lui tout en se rêvant actrice.

Réserviste, ayant besoin d’argent, il accepte d’intégrer la police militaire afin d’enquêter sur une curieuse mission : une jeune femme pratiquante, ex-soldate, a déposé plainte pour viol contre Erez, un brillant officier aux états de services irréprochables. Pour son enquête, on attribue à l’avocat une aide, un jeune soldat du nom de Koby, ouvertement homosexuel, et tous deux commencent leur enquête. La plaignante vit chez ses parents dans une petite ville pauvre du sud d’Israël. Ses parents, surtout sa mère, sont des juifs pratiquants et ils sont accablés par la situation, leur fille ayant perdu sa virginité, elle ne pourra plus faire de mariage religieux. Ils lui reproche d’avoir intégré l’armée, un lieux réservé « aux hommes ». La jeune femme trouble les enquêteurs, elle s’exprime peu, semble plongée dans une profonde dépression.

Son témoignage est bientôt contredit par des faits qu’elle leur a cachés. De plus, l’officier accusé est un héros dans l’armée. Un capitaine admiré de tous, très proches de ses hommes, capable de briser la loi pour sauver une femme et son enfant. Très pieux, il prend sa mission à coeur et part en mission au Liban en niant toute responsabilité.

A mesure qu’il avance dans son enquête, de nouveaux faits viennent troubler les apparences, qui dit la vérité ? Qui ment ? L’officier, défendu par ses pairs, est-il si irréprochable ? Le comportement de la jeune femme trahit-il autre chose ? Deux figures ambiguës qui dressent le portrait d’un pays complexe, brutal et insaisissable.

J’ai toujours été attirée par tout ce qui touche à ce pays, et  Yishaï Sarid réussit avec brio à montrer toutes les facettes d’un seul et même pays : moderne et conservateur, laïque et religieux, pacifiste et militaire. A Tel-Aviv, toutes les communautés vivent ensemble, laïcs et religieux, Arabes et Israéliens, homosexuels. A travers le regard de ce jeune avocat, le lecteur a un bon aperçu de la société israélienne, tiraillée entre son passé et l’avenir, entre le respect des traditions et la société moderne, sous le poids du conflit israélo-palestinien. Une société complexe qui prend ici toute son ampleur dans un Tel-Aviv multiculturel, bouillonnant.

J’ai beaucoup aimé me plonger dans cette enquête même si je dois prévenir que le rythme est lent, que rien de palpitant ne se passe et que le portrait de la société prend le pas sur l’enquête.  De plus, le portrait du narrateur peut sembler un peu brouillon, celui-ci étant incapable (sauf à la toute fin) de prendre de vraies décisions sur le plan professionnel ou personnel.

Reste que j’ai aimé l’écriture et cette plongée dans ce petit pays déchiré de l’intérieur et que j’apprends qu’il a déjà écrit un autre roman, « Le poète de Gaza « , également publié chez Babel Noir. Excellente nouvelle ! Finalement mon instinct était le bon 😉

♥♥♥♥

Editions Babel, Noir, Teref Kal, trad. Laurence Sendrowicz, 2018, 350 pages

Et pourquoi pas

12 commentaires

keisha 8 juin 2018 - 14 h 04 min

J’ai l u récemment un polar israelien, assez lent aussi et une fin décevante, bah, je n’ai pas fait de billet. Mais ça permet de voir le pays.
(la nuit je mens c’est une chanson, je viens juste de le découvrir… ^_^)

Electra 8 juin 2018 - 18 h 19 min

Pas de fin décevante chez moi, j’ai bien aimé ma lecture ! Tu aurais du lire celui-ci du coup !
La nuit je mens, c’est un grand titre d’un grand monsieur 😉

keisha 8 juin 2018 - 14 h 04 min

J’ai l u récemment un polar israelien, assez lent aussi et une fin décevante, bah, je n’ai pas fait de billet. Mais ça permet de voir le pays.
(la nuit je mens c’est une chanson, je viens juste de le découvrir… ^_^)

Electra 8 juin 2018 - 18 h 19 min

tu te répètes … LOL

keisha 10 juin 2018 - 7 h 56 min

Pourtant je n’ai pas cliqué duex fois.
Pssst ton billet suivant (les BD) affiche juste ‘erreur 404’

Electra 10 juin 2018 - 14 h 19 min

Normal ! c’était un très vieux billet, qui n’avait rien à faire là !
Bon dimanche

Titezef72 8 juin 2018 - 15 h 15 min

Ah ! Pour une fois … je ne suis pas tentée… ouf tu me diras.. j’en ai deja assez en attente 😉
J’attaque Franky et Zooey cet aprèm 🙂.

Electra 8 juin 2018 - 18 h 20 min

Tant mieux ! Pareil, je souffle aussi quand un livre ne me tente pas, j’en ai tellement dans ma PAL et l’été arrive avec la rentrée littéraire et le Festival America…

Marie-Claude 8 juin 2018 - 17 h 01 min

J’ai laissé tomber les polar depuis un bout. Ça donne envie d’y revenir!

Electra 8 juin 2018 - 18 h 21 min

Super ! J’ai des période « sans » puis ça me manque soudainement et j’en lis deux à trois de suite ..

Eva 8 juin 2018 - 22 h 12 min

j’aime beaucoup la littérature israélienne, et c’est un polar que j’ai repéré mais pas encore lu…très tentant!

Electra 8 juin 2018 - 23 h 25 min

J’imagine ! Si tu veux plonger dans la culture israélienne, dans la société, il te plaira !

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