Le témoin solitaire · William Boyle

par Electra
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William Boyle revient dans le quartier de son enfance une nouvelle fois, après avoir publié Gravesend que j’ai lu il y a tout juste un an. L’auteur, en tournée en France, s’est depuis installé dans le Mississippi mais son quartier d’enfance continue d’être son lieu privilégié.  Alors, qu’en est-il de ce retour aux sources ?

Amy est une jeune femme solitaire, elle ne fréquente que les gens qu’elle aide en tant que bénévole de la paroisse. Elle a pourtant longtemps mené une vie de party-girl, ex-serveuse d’un bar, elle était un oiseau de la nuit. Elle découvre le quartier de Gravesend lorsqu’elle et sa petite amie de l’époque, Alessandra, viennent s’y installer. Pourtant Alessandra avait juré de ne jamais y remettre les pieds. D’ailleurs, dès qu’elle a l’occasion, Alessandra part s’installer à Los Angeles, où elle compte relancer sa carrière d’actrice.

Son nom vous est familier ? Alessandra apparaissait dans le roman Gravesend. Amy vit dans le sous-sol que lui loue un habitant de Gravesend, ici les noms italiens sont légions. Dame de compagnie, ou donneuse de communion, Amy gagne de l’argent en jouant les serveuses de temps en temps. Un jour, une vienne dame à qui elle donne la communion lui parle de ses craintes : sa dame de compagnie est malade et a envoyé son fils, Vincent à sa place. Mais l’homme est étrange, froid et surtout il est allé fouiller dans sa chambre sans raison valable. Amy accepte de rester et de rencontrer cet homme inquiétant.  Et leur première rencontre confirme ses soupçons. Il est peu aimable et encore moins affable.

Amy pense qu’il cache quelque chose et comme elle s’ennuie dans cette nouvelle vie, elle décide de le suivre à travers Brooklyn. Plein de questions la hantent : qui est-il réellement ? Qu-est-il allé faire dans la chambre de Mme E. ? Mais après plusieurs heures de filature, l’impensable se produit : Vincent est assassiné sous yeux d’un coup de couteau dans la gorge. Amy s’est cachée mais elle a vu l’assassin. Seul témoin de la scène, Amy rejoint Vincent qui vit ses derniers instants. Elle fait alors une chose impensable : elle se saisit du couteau et l’emporte. Vincent meurt sous ses yeux.

Sa vie vient de basculer, elle décide alors d’aller vérifier que la mère de Vincent est bien malade et celle-ci croit trouver en la personne d’Amy une amie de son fils. Amy est comme entraînée dans cette histoire malgré elle. Tout s’emballe. Et la jeune femme vit une sorte de crise existentielle. Qui est la vraie Amy ? Celle qui faisait la fête toute la nuit, s’habillait de façon provocante et colorait ses cheveux en blonds ? Ou celle qui porte à manger et prend soin des personnages âgées de son quartier ? Elle apprend alors qu’Alessandra est de passage à New York pour quelques heures. Amy part rejoindre son ancienne amante et lui raconte tout….

Si William Boyle sait décrire à merveille le quartier de Gravesend, il le fait à travers le regard de cette jeune femme perturbée. Incapable de se poser, Amy doit composer avec la réapparition brutale d’un proche, et elle-même ne comprend pas son comportement lors de la mort brutale de Vincent. William Boyle dresse le portrait d’une jeune femme qui croyait s’être trouvée avec la religion mais qui perd tout en quelques instants. Plus rien n’a de sens.

Basculant dans le thriller, Boyle offre au lecteur un roman où la tension augmente – le meurtrier est à ses trousses et victime d’une crise mystique profonde, la jeune femme prend des décisions totalement contradictoires et erratiques.

J’avoue clairement qu’il m’a été difficile de comprendre le comportement d’Amy qui ne fait jamais ce que l’on devrait faire – elle accumule les mauvaises décisions et ne semble jamais pouvoir redresser la trajectoire.

Si le livre se lit facilement et vite, reste que j’ai trouvé les derniers chapitres particulièrement longs et bavards. Un chapitre entier fait uniquement de dialogues et de noms de rues ou de boutiques. J’ai trouvé ça éreintant. J’aurais aimé plus de descriptions, mais l’auteur privilégie les dialogues.

Ce choix narratif appauvrit, selon moi, un peu le récit. Surtout qu’Amy s’engage dans des conversations comme elle s’engage dans la vie, de manière totalement désordonnée et ses choix sont si mauvais qu’on a du mal à la comprendre.  J’ai pensé que la jeune femme remettait sa foi en cause ou qu’elle était en pleine dépression. Heureusement les autres personnages sont très bien étudiés et approfondis, comme son propriétaire ou les vieilles dames. Et Alessandra également. J’aime aussi l’ambiance de cette banlieue new-yorkaise, de son passé historique, de la vie de ces gens simples.

William Boyle pose toujours un regard plein de tendresse envers ses personnages ou le quartier de son enfance et c’est ce que je retiendrais de ce roman.

♥♥♥♥♥

Editions Gallmeister, The lonely witness, trad. Simon Baril, 2018, 299 pages

Et pourquoi pas

6 commentaires

Titezef 15 octobre 2018 - 17 h 48 min

J’avais du mal à me faire une idée de ce roman…Ton billet a désembrumé mon cerveau 😂.
J’ai Gravescend dans ma pal , je le lirai d’abord…celui-ci ensuite pourquoi pas .

Electra 15 octobre 2018 - 21 h 39 min

De rien ! Oui, parfois on a du mal à saisir l’histoire – on voit passer tellement de livres ! Oui, commence par Gravesend (je l’ai préféré à celui-ci) 😉

Marie-Claude 17 octobre 2018 - 17 h 05 min

Il passera par moi. Je l’attends. Reste que je ne me fais pas d’attentes… Coups de coeur pour « Gravesend », moins emballée par « Tout est brisé », j’ai hâte de voir ce que ce troisième roman va me réserver…

Electra 17 octobre 2018 - 19 h 08 min

Oui, tu vas retrouver le quartier et Alessandra et j’ai hâte d’avoir ton avis du coup ! je l’ai quand même lu super vite

Jerome 24 octobre 2018 - 15 h 01 min

Tout est brisé m’avait beaucoup déçu, du coup je ne vais pas me précipiter sur celui-ci.

Electra 24 octobre 2018 - 20 h 00 min

Je ne l’ai pas lu mais je sais que Marie a également été déçue. Pour l’instant, je préfère Gravesend.

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