Hamnet · Maggie O’Farrell

par Electra
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field of wheat

Il me tardait de retrouver Maggie O’Farrell pour la quatrième fois et j’ai choisi son tout dernier roman, Hamnet. Derrière l’homme de théâtre, le dramaturge le plus célèbre, se cachaient une femme et trois enfants, dont un fils. L’auteure anglaise a choisi de nous emmener à leur rencontre.

Le nom de Shakespeare n’est jamais prononcé dans le roman. L’auteure a choisi d’extrapoler et de fictionaliser la vie privée du dramaturge. J’avoue que je ne connaissais rien de la vie privée de ce dernier et j’ai trouvé le pari plutôt osé. Maggie O’Farrell a avoué être fascinée par la pièce de théâtre Hamlet et garde un souvenir marquant d’un de ses professeurs, qui à l’époque avait cité l’existence d’un fils, prénommé Hamnet, sans doute à l’origine de la pièce.

Every life has its kernel, its hub, its epicenter, from which everything flows out, to which everything returns.

Warwickshire, dans les années 1580. Agnès est une jeune femme sauvage, farouche. Elle vit à la campagne, l’aînée d’une fratrie de huit ans, mais née d’un premier lit. Sa mère est morte en couches. Depuis, elle doit supporter sa belle-mère Joan qui ne l’aime guère. Agnès préfère se réfugier dans les bois, élever son faucon crécerelle. Elle a appris à soigner avec les plantes. Lorsqu’elle rencontre le fils d’un gantier, qui vient enseigner à ses jeunes frères le latin et le grec. Les deux jeunes gens tombent amoureux malgré les interdictions familiales. Son père le destine à une autre carrière, mais sa grossesse précipite les choses. La jeune femme a eu une vision, un mariage, et deux enfants adultes à ses côtés lorsqu’elle mourra à son tour. Le jeune couple s’installe dans la propriété paternelle, à Stratford. Leur fille aînée naît dans les bois, le choix d’Agnès puis des jumeaux, Hamnet et Judith. Leur mère n’a jamais pu deviner le sexe de l’enfant, ni prédire des jumeaux. Son époux, qui ne supporte pas la violence du patriarche et refuse la carrière qui lui est offerte, décide de partir à Londres vendre les gants de son père. Un jour, il est recruté par une compagnie de théâtre, et l’homme prend la plume. Il promet à Agnès qu’ils viendront le rejoindre, mais jamais cela n’arrivera…

So he goes to the tavern alone. Just for a while. Nothing wrong a man’s own company. He will sit here, in the half-light, like that of  dusk, a candle stub on the table before him, and watch as stray flies circle and circle in its light.

Les années passent, le succès du père le tient à l’écart, sauf pendant les quelques mois où les théâtres sont fermés par décision de la Reine, suite à une nouvelle pandémie de peste. L’ennemi juré. Agnès attend le retour de son époux, et soigne tous les habitants, laissant souvent leurs enfants seuls. Les jumeaux ont désormais onze ans et un jour, alors qu’ils sont seuls à la maison, Judith ne se sent pas bien…

Je n’en dirais pas plus, un portrait lumineux d’une femme amoureuse, d’une femme aux dons de guérisseuse et qui croit pouvoir prédire et sauver sa famille. Leur rencontre, leur histoire d’amour est magnifiquement écrite. Maggie O’Farrell transcrit parfaitement les peurs intérieures qui rongent Agnès et l’épanouissement de son époux qui ne peut se faire qu’à Londres, loin des siens. Avec la culpabilité et les erreurs qui vont avec.

What is given may be taken away, at any time. Cruelty and devastation wait for you around corners, inside coffers, behind doors : they can leap at you at any moment, like a thief or a brigand. The trick is to never let down your guard. Never think you are safe. Never take for granted that your children’s hearts beat, that they sup milk, that they draw breath, that they walk and speak and smile and argue and play. Never for a moment forget they may be gone, snatched from you, in the blink of an eye, broke away from you like thistledown.

L’auteure explique dans son épilogue que les informations sur la famille du dramaturge sont peu nombreuses, et des doutes subsistent. Elle a choisi le prénom Agnès, donné par son père dans son testament, et non Anne, comme les historiens ont toujours appelé l’épouse de. Elle a choisi d’en faire une femme libre, amoureuse, aimante. Je me plais à imaginer qu’il s’agit d’un portrait fidèle de la femme qu’aurait pu aimer le dramaturge. Et que sa pièce Hamlet est un hommage à son fils.

♥♥♥♥

Tinder Press (Kindle), 2020, 372 page

Photo by Jez Timms on Unsplash

Et pourquoi pas

14 commentaires

Ingannmic 24 juin 2020 - 10 h 34 min

Ah mais je vois que tu es une adepte de cette autrice que je ne connais pas du tout ! J’avais noté I am, I am, I am, suite aux éloges qu’il a suscités, mais je l’ai reposé après avoir lu la 4e de couverture; je ne suis pas certaine d’accrocher à ce genre de texte…

Electra 24 juin 2020 - 20 h 59 min

ah dommage ! car ce fut l’inverse pour moi, une lecture très personnelle (on a beaucoup de points communs) mais bon une autre fois peut-être ? enfin ici ce ne sont pas des essais, mais un roman. Je te conseillerais cependant la disparition d’esme Lennox pour commencer. Franchement, il te plairait !

Jérôme 24 juin 2020 - 11 h 54 min

Il faudrait vraiment que je découvre Maggie O’Farrell un jour…

Electra 24 juin 2020 - 20 h 59 min

Oui !!! avec la disparition d’esme Lennox .. je pense que tu accrocherais bien à son style !

Ingannmic 25 juin 2020 - 9 h 58 min

Merci pour le conseil, je note les yeux fermés !

Electra 25 juin 2020 - 22 h 23 min

De rien 😉

Marie-Claude 25 juin 2020 - 6 h 02 min

Et moi, il me tarde de découvrir Maggie O’Farrell. Je vais sans doute débuter par L’Etrange disparition d’Esme Lennox, que tu m’avais si vaillamment vanté! En attendant la traduction de ce Hamnet, fort intriguant.

Electra 25 juin 2020 - 22 h 24 min

Oui ! Je pense qu’il te plaira avec ton esprit un peu barré 😂

Eva 25 juin 2020 - 11 h 38 min

je note !! je m’étais un peu lassée des romans de Maggie o’Farrell mais j’ai adoré Iam Iam Iam et ce que tu dis de ce nouveau livre est très alléchant !

Electra 25 juin 2020 - 22 h 25 min

Super ! Il faut que je lise ses précédents !

Lili 25 juin 2020 - 17 h 00 min

Je n’ai lu qu’un lire de Maggie O’Farrell mais je l’ai beaucoup aimé. Les autres titres ne m’ont pas forcément donné envie d’y revenir mais là, je suis intriguée !

Electra 25 juin 2020 - 22 h 26 min

Elle mérite le détour. Elle va hors des sentiers battus

Mes échappées livresques 26 juin 2020 - 9 h 02 min

Je n’ai lu d’elle qu’Assez de bleu dans le ciel que j’avais adoré. Ton billet me donne envie de la lire de nouveau.

Electra 27 juin 2020 - 10 h 58 min

ah je le note ! je me dois de lire tous ses autres romans 🙂

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