2020 ne pouvait pas finir sans un roman autochtone. J’ai découvert Dawn Dumont lors de mon séjour au Canada, de retour, je n’arrivais pas à me procurer ses romans, je les ai donc achetés en version électronique. Entre temps, il a été publié au Québec en français et Le Caribou en a profité pour le lire avant moi 😉
Le Saskatchewan – un territoire dont le nom vous transporte déjà loin et où se situe la réserve Okanese où grandit Dawn, l’héroïne de ce roman très proche de l’autobiographie mais qui n’en est pas une. La jeune fille grandit au milieu de ses frères et soeurs, d’un père qui a fait des études à l’université mais qui passe ses soirées à noyer ses soucis dans l’alcool et une mère qui se débat en trimballant ses enfants d’une réserve à l’autre, du Saskatchewan au Manitoba. Les enfants supportent bon gré mal gré ce changement permanent jusqu’à la décision de ne plus les changer d’école. Malheureusement pour Dawn, le collège n’est pas son endroit préféré.
La soeur de Dawn est belle, longiligne, des cheveux noirs raides, des traits fins, des pommettes hautes. Dawn, à l’inverse, est toute petite, boulotte, le visage rond et ses cheveux se rebellent sans arrêt. D’ailleurs, on se demande bien de qui elle tient. Dawn est intelligente, elle adore lire mais surtout, comme tous les enfants de sa réserve, aller explorer les alentours et faire toutes sortes de bêtises. Chaque chapitre relate un évènement particulier, qu’elle en soit l’héroïne ou pas, qu’elle a 8 ou 16 ans, nous voici partis en voiture avec elle, même si personne n’a le permis. Mais dans la réserve, comme les chiens errants, les règles ne sont pas tout à fait les mêmes. On adore les soirées familiales, les virées chez les cousins. Halloween, et puis ce sont les années 80, elle rêve de Corey Haim comme toute adolescente, blanche ou autochtone. Elle aimerait tant avoir un petit ami mais doit pour le moment regarder sa soeur vivre sa vie. La recherche du meilleur déguisement d’Halloween, les jeux avec ces deux garçons dans le ranch de son oncle, un repas de tripes, et puis surtout une soirée au bingo qui donne le titre au roman. Ce jeux qui a rendu addictif des réserves entières.
Les premiers émois amoureux, les cousinades, les ruptures et retrouvailles des parents, la vie au collège et au lycée, et à la fin cerise sur le gâteau, un procès pour sorcellerie. Dawn, impossible de lui résister ! Elle m’a fait rire, elle m’a émue. On a envie de devenir sa meilleure amie. J’ai aimé son naturel, son regard plein d’amour pour cette immense famille, son portrait de ces réserves où parfois on vit à la limite de la pauvreté, mais où tout le monde se soutient.
Elle le raconte tel que c’est, sans fioriture. Ici pas de fantasmes sur les « Indiens », elle ne cache rien comme le racisme prégnant au lycée où ses parents ont souhaité l’inscrire pour qu’elle se fasse des amis chez les Blancs. Raté. Difficile de faire ami-ami avec ceux dont les ancêtres ont tant travaillé à les exterminer. Mais Dawn ne noircit pas la réalité, ainsi ses deux parents ont connu les fameux pensionnats et contrairement à de milliers d’enfants, ont aimé ces années-là. Et lorsque que le gouvernement canadien reconnaît le mal fait aux autochtones en les privant de leur culture, de leur famille et leur verse une compensation financière, le discours des parents change alors pour pouvoir encaisser les chèques !
J’ai failli enchaîner illico avec son autre roman tant j’ai aimé cette jeune autrice Cree/Métis mais je me suis retenue. Je la garde pour 2021, pour une période où lire sera plus difficile, avec elle je suis certaine de ne connaître aucun blocage et de me régaler. Merci Dawn !
Le livre a été publié en français aux éditions Hannenorak (que je connais bien) et traduit par Daniel Grenier.
♥♥♥♥♥
Editions Thistledown Press, 2012, 298 pages
Photo by dylan nolte on Unsplash
6 commentaires
Ah les fameux pensionnats dont j’ai entendu parler dans la grosse BD de Joe Sacco, payer la terre (une lecture dans le thème!)
Oui ! Les autorités Canadiennes ont du s’excuser publiquement (entre les enfants arrachés à leur famille et leur culture, il.y a toutes sortes d’abus et la disparition inexpliquée d’enfants).
Wow, ça me donne super envie de découvrir cette autrice que je ne connais pas du tout.
Payer la terre de Joe Sacco est passionnant. Sur le thème des pensionnats, Jeu blanc (Indian horse) de Richard Wagamese était vraiment terrible mais un excellent roman!
Oui, j’ai lu plusieurs de ses romans mais pas celui-ci car une amie avait été déçue mais je l’ai quand même dans ma PAL.Ici, les pensionnats sont abordés succinctement car Dawn ne les fréquente pas. Elle va au collège comme nous. Mais elle est drôle et on ne s’ennuie pas avec elle !
Je suis si ravie que tu aies autant apprécié que moi. 😉 Pour une fois que j’ai lu un roman avant toi!
Comment ne pas s’attacher à cette gang, Dawn particulièrement.
Avec le recul, je crois que ce qui m’a le plus émue, c’est à quel point elle ne noircit pas la réalité (comme tu l’écris). C’est la première fois que je lisais qu’un Indien peut apprécier son passage au pensionnat. Tout ce que j’avais lu jusqu’à maintenant était si terrible et négatif. Ça montre un autre côté…
Dommage que je n’ai pas accroché à La course de Rose. Le ton se ressemble, mais le style me semble trop différent et le propos me touche moins. On n’en entend que du bien, par ici (alors que très peu sur On pleure pas au bingo).
P.S. (on écrit de la Saskatchewan, non du Saskatchewan!)
ah la Québécoise ! De la Saskatchewan, je note de la Nantes 🙂 Oui, j’ai apprécié Dawn, elle est drôle, humaine, et finalement très proche de nous ! J’aime aussi les relations familiales, cette close-knit communauté et oui, elle ne noircit pas tout. Je vais lire son prochain, j’en ai en fait encore deux d’elle (un livre papier et sur ma liseuse), et je te dirai !
bon je file chez l’allergologue, oh joie 🙂
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