L’eau rouge · Jurica Pavičić

par Electra
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Quand j’ai commencé ma lecture de ce roman, je m’attendais plus à un polar qu’un roman sur l’absence. L’absence de Silva. Une absence qui va venir bouleverser la vie d’une famille croate, en septembre 1989 sur la côte dalmate. A l’époque, la Slovénie a été la première à soulever la question de l’indépendance, les journaux s’enflamment mais à 17 ans, les jeunes de cette petite bourgade s’en fichent. Ils filent tous à la soirée organisée sur le port. Silva et son frère jumeau Mate en font partie. Très vite, la jeune femme quitte la soirée avec un garçon, Adrijan, qui n’était pas son petit ami. Le dimanche matin, la jeune fille n’est toujours pas rentrée. Très vite, ses parents, Vesna et Jakov s’inquiètent. Tous partent à la recherche de la jeune femme, celle-ci s’est volatilisée. Adrijan Lekaj ne sait rien. Il l’a quittée après quelques moments d’intimité. Elle lui a dit qu’elle voulait tout quitter et partir, qu’elle avait tout avec elle (son passeport, sa carte d’identité). La police est prévenue, on détache alors l’inspecteur Gorki Šain qui va faire quelques découvertes. En premier lieu, il va interroger son petit ami officiel, Brane et sa mère Uršula – mais Brane a passé la nuit dans un car, après être allé s’inscrire à l’école maritime. Il ignore ce qu’a fait Silva cette nuit-là.

Dans le jardin familial, la police découvre un sac contenant de la drogue et de l’argent. L’inspecteur remonte la piste jusqu’à Split, où était scolarisée la jeune femme en semaine. Apparemment, Silva revendait de la drogue en cachette à d’autres jeunes pour se faire de l’argent. Face à cette disparition inexpliquée, le couple Voli ne tient qu’à un fil. La mère s’enfonce dans un mutisme, en arrêt longue maladie, elle ne sort plus de chez elle et refuse que son fils poursuive ses études. Il doit retrouver sa soeur. Mate oublie alors l’université et devient chauffeur routier et cherche obstinément. Un an plus tard, une jeune femme Elda se présente à la police. Elle avait quitté le pays pour aller étudier à l’étranger mais me souvient avoir parlé à Silva à la gare routière de Split. Celle-ci était derrière dans la file, elle ne lui avait pas dit où elle allait, mais elle a bien reconnu le visage de Silva. La famille reprend histoire. Silva est donc partie délibérément. La police tente de la localiser mais le pays sombre dans la guerre. Les années passent, et l’enquête s’arrête.

Il se souvient parfaitement du jour où c’est arrivé. C’était en septembre 1989, le dernier automne du communisme.

Les années passent, la guerre, l’après-guerre, Mate ne cesse ses recherches. Son père a abandonné, il en veut à Silva d’être partie et n’avoir jamais donné de nouvelles. Sa mère et lui se sont séparés après dix ans de silence. Trop lourd. Mate continue d’avaler les kilomètres, il a créé une page Facebook et suit tous les indices, on l’a vue en Italie, en Allemagne, en Suède .. Rien ne l’arrête. Sa vie privée en est affectée mais il ne peut pas s’empêcher de chercher Silva.

Silva a toujours été là. Du ventre maternel à la crèche. Du placenta partagé aux voyages en bus scolaire tous les lundis. Il n’y a pas un souvenir, pas une once de sa vie dont Silva ait été absente. Il pensait ça valait aussi dans l’autre sens.

Il n’y a rien de pire que l’absence et le silence. Le pays s’effondre mais une famille s’est disloquée bien avant. Ils se sont transformés en fantômes. Comme Silva, la Yougoslavie a disparu. Il faut tout reconstruire. On suit plusieurs narrateurs puis la troisième partie révèle enfin un élément important et le rythme devient plus effréné. Pratiquement 20 ans ont passé. J’ai pensé à toutes ces familles privées de deuil, de réponse.

Jurica Pavičić signe un drame intime puissant et m’a ramené sur la côte Dalmate, à Split et dans ces petits ports de pêche où je suis allée alors que les canons des chars fumaient encore.

♥♥♥♥

Editions Allugo, Cverna Voda, trad.Olivier Lannuzel, 358 pages

Photo by Dimitry Anikin on Unsplash

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7 commentaires

uneviedevantsoi 2 février 2022 - 8 h 27 min

Il a l’air bouleversant. Je me demande comment se termine l’histoire.

Electra 2 février 2022 - 10 h 37 min

Il l’est ! La troisième partie, je me souviendrais toujours du premier chapitre et du premier paragraphe 🙂

Livr'escapades 2 février 2022 - 11 h 21 min

Je l’ai lu à sa sortie l’année dernière et beaucoup aimé aussi.

Electra 2 février 2022 - 15 h 04 min

Oui, je m’en doutais ! je l’avais sans doute repéré chez toi 🙂

Mes échappées livresques 7 février 2022 - 10 h 39 min

Je ne connaissais pas du tout et je suis très intriguée.

Electra 7 février 2022 - 10 h 56 min

ah ! pour une fois, avec tous tes repérages !

Jurica Pavičić, L’eau rouge – Lettres exprès 3 mars 2022 - 12 h 46 min

[…] Européen en 2021, et Grand Prix de la Littérature Policière (roman étranger) 2021.Aifelle et Electra ont aimé aussi.Lu pour le mois de l’Europe de […]

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