My name is Lucy Barton · Elizabeth Strout

par Electra
4,1K vues

C’est par curiosité que j’ai eu envie de lire ce roman, je n’avais jamais lu de romans d’Elizabeth Strout, une auteure reconnue  et maintes fois récompensée pour son oeuvre. J’ai choisi de commencer avec ce récit, celui d’une jeune femme, Lucy Barton.

En me replongeant dans ce récit, la forme m’a fait penser à une sorte de journal intime où Lucy Barton se confie. Elle revient en particulier sur un évènement ayant eu lieu dans les années 80 à New York, du temps où ses filles étaient encore très jeunes. Lucy Barton a été opérée pour l’appendicite mais la jeune femme n’a pas pu sortir car une infection s’est déclarée, et depuis des semaines la jeune femme reste enfermée dans cet hôpital, loin de son mari et de ses enfants. Elle a la surprise un matin de voir sa mère débarquer. Une mère qu’elle n’avait pas vu depuis des années, bien avant la naissance de ses filles. Lucy était partie étudier à l’université et n’est jamais revenue à Amgash, dans l’Illinois où elle vivait avec ses parents, sa soeur et son frère.

Lucy Barton revient sur cette enfance, une enfance marquée par la pauvreté. Si certains arrivent à vivre leur enfance sans ressentir cet aspect, ce ne fut pas le cas de Lucy. Sa famille était très pauvre, sa mère faisait le ménage chez les autres. Les autres enfants se moquaient d’elles, de ses tenues vestimentaires, de ses cheveux. Lucy n’avait pas d’amis. Les adultes les ignoraient également, même à la messe le dimanche. Seule exception : Thanksgiving, jour où on les invitait à partager un repas. Depuis Lucy s’est toujours jurée de plus être pauvre, et surtout de ne plus se sentir perpétuellement inférieure aux autres. Elle parle de ce sentiment destructeur et même des années plus tard, installée assez confortablement à New York, certaines réflexions lui vont droit au coeur.

Alors la réapparition soudaine de sa mère a l’effet d’une bombe sur elle. Ses parents, très pieux, et taiseux, ne lui ont jamais dit qu’ils l’aimaient. A la pauvreté s’est ajoutée ce sentiment d’abandon. Alors Lucy s’est réfugiée dans les livres, puis les études et dès qu’elle a pu fuir Amgash, elle l’a fait. Brisant définitivement le lien fragile qui existait. Les deux femmes vont finalement, au cours de ses quelques jours, apprendre à se connaître et à faire tomber quelques barrières. Mais pas toutes. Sa mère n’a jamais voulu voir les filles, ni l’époux de Lucy (qui avait tenté une visite inopinée, erreur terrible). Une relation bancale, maladroite. Touchante.

My teacher saw that I loved reading, and she gave me books, even grown-up books, and I read them. (…) But the books brought me things. This is my point. They made me feel less alone. This is my point.

Et voilà, j’ai découvert la voix incroyable d’une conteuse. Elle donne naissance à un personnage terriblement attachant, profondément humain et généreux et inoubliable. Impossible de ne pas ressentir cette honte qu’elle a vécu enfant, impossible de ne pas craquer devant cette jeune femme qui aimerait tant que sa mère lui dise qu’elle l’aime. Comment se construire adulte avec cette enfance ?

Je crains que mon billet ne soit pas à la hauteur du roman, et de l’écriture. Elle crée comme une sorte de musique douce. La voix de Lucy nous accompagne, ses doutes, ses craintes mais aussi son regard sur elle-même vingt ans après. Sur sa vie à New York, ses amis, son mariage. J’aurais adoré la retrouver à nouveau. Il y a une telle profondeur, Lucy prend vie. Son coeur bat, et le nôtre aussi, tout près du sien.

Un véritable coup de coeur pour la plume d’Elizabeth Strout, je vais évidemment me précipiter sur ses autres romans, elle a écrit un recueil de nouvelles où Amgash réapparaît mais aussi ses autres écrits. Ce roman était en compétition pour le Man Booker Prize. Elle a reçu en 2008 le Prix Pulitzer pour un autre roman, Olive Kitteridge. 

Bref, voilà, encore une très belle découverte qui m’aura permis d’atteindre mon objectif sur Goodreads.  Tous ses livres ont été traduits, du coup vous n’avez aucune excuse pour ne pas la lire à votre tour !

♥♥♥♥♥

Editions Penguin, 2016, 193 pages

Et pourquoi pas

19 commentaires

Fabienne 8 janvier 2020 - 7 h 55 min

La relation mère-fille m’a fait un peu penser à celle existant entre Blanche et Immaculata dans « Tous tes enfants dispersés » de Beata Umubyeyi Mairesse, même si le contexte n’est pas du tout le même. Décidément tout me ramène à ce livre! Et puis la reconstruction était aussi au cœur de ce roman ainsi que du dernier que j’ai lu, La part du fils de Jean-Luc Coatalem. Ton billet me parle donc forcément! Je note, et en anglais du coup. Ça me permettra de lire un peu plus en vo.

Electra 8 janvier 2020 - 18 h 58 min

Je pense, vu tes goûts, que tu vas aimer ! Elle possède une très belle écriture, une finesse !

keisha 8 janvier 2020 - 8 h 44 min

je te recommande Olive Kitteridge! depuis j’en ai lu un autre où on retrouve Lucy Barton, mais histoire de faire complet, je voulais lire Lucy Barton avant, et puis, ça ne s’est pas fait, d’autres livres sont passés devant (histoire d’aller plus vite, je fais des billets avec plusieurs livres d’un coup)
Tu as raison, cette auteur a vraiment quelque chose qui prend!

Electra 8 janvier 2020 - 18 h 52 min

Olive doit arriver ! forcément je veux tout lire et son tout premier roman a aussi eu beaucoup de succès ! une superbe écriture – toi tu devrais lire Lucy Barton du coup !

Kathel 8 janvier 2020 - 9 h 28 min

J’ai beaucoup aimé Olive Kitterridge, (peut-être qu’elle me ressemble un peu !) et je ne sais pas pourquoi je n’ai rien lu d’autre de l’auteure. Grâce à ton billet, je viens de noter de ne pas l’oublier !

Electra 8 janvier 2020 - 18 h 52 min

merci ! j’ai beaucoup entendu parler d’Olive (qui a remporté des prix) mais là déjà quelle claque !

Sunalee 8 janvier 2020 - 16 h 38 min

J’avais vu la série tv Olive Kitteridge et j’avais beaucoup aimé. Je ne savais pas que c’était adapté d’un roman.
Celui-ci a l’air passionnant également.

Electra 8 janvier 2020 - 18 h 53 min

et moi je ne savais même pas qu’il y avait une série ! mais je veux d’abord lire les romans 😉

Autist Reading 8 janvier 2020 - 18 h 14 min

Ça me semble être effectivement une auteure à suivre de près. Olive Kitteridge, je ne l’ai pas lu, mais vu et aimé dans une adaptation TV avec l’excellente Kate Winslett.
Je me connais, je vais notee le nom de l’auteure et l’oublier dans quelques temps… Je compte sur toi pour me rafraîchir la mémoire avec un autre de ses romans 🙂

Electra 8 janvier 2020 - 18 h 53 min

ah c’est fou, Kate Winslet ? je n’ai jamais entendu parler de cette série ! Mais je vais lire ce roman et du coup je t’en reparlerai !!!

Marie-Claude 9 janvier 2020 - 3 h 32 min

Je sais ce qu’il me reste à faire…
Et dire que j’avais « Olive Kitteridge » dans ma pal et que le roman est passé dans la trieuse! D’ailleurs, me semble que c’est toi qui l’a ramassé. Je vais fouiller dans ton dernier sac, au sous-sol. Je me croise les doigts!

Electra 9 janvier 2020 - 7 h 14 min

Ah bon ? Aucun souvenir ! Bonne nouvelle s’il est encore chez toi 😉 quoique maintenant que tu en causes …. je viens de finir le Cusk. Que des femmes ! A ce soir ☺️

Mimi 10 janvier 2020 - 6 h 43 min

Si tu as aimé ce roman, je te conseille la suite « Tout est possible ». Un autre livre à découvrir de cette auteur avec « Amy et Isabelle », un roman (encore) sur les relations mère/fille.

Electra 10 janvier 2020 - 7 h 07 min

Oui c’est ce que je dis 😊

krol 10 janvier 2020 - 9 h 55 min

Oserais-je dire qu’il me semble bien avoir commencé ce roman, un jour, et l’avoir abandonné ? Je devais être mal lunée !

Electra 10 janvier 2020 - 19 h 36 min

Ah ? Possible ! J’en connais une qui n’a pas accroché

Eva 10 janvier 2020 - 10 h 50 min

j’avais repéré ce roman, mais lu quelques avis mitigés qui m’avaient refroidie… ton billet est extrêmement élogieux, par conséquent l’envie revient…

Electra 10 janvier 2020 - 19 h 37 min

Merci 😊 moi j’ai vraiment aimé !

Virginie 13 janvier 2020 - 17 h 50 min

Il est sur ma PAL en VF depuis sa sortie, faudrait que je me décide !

Les commentaires sont fermés