Division Avenue · Goldie Goldbloom

par Electra
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Ce n’est pas la première fois que je vous parle de mon intérêt pour la communauté juive hassidique de New York. Je n’ai donc pas hésité une seconde en lisant la quatrième de couverture.

Division Avenue est une rue célèbre à New York, dans le quartier de Brooklyn, c’est là que vit la communauté hassidique où vivent les Eckstein. Yidel et son épouse Surie. A 57 ans, Surie a une vie bien remplie : mère de dix enfants, grand-mère de 32 petits-enfants et bientôt arrière-grand-mère, elle ne sait où donner de la tête. Elle a encore trois garçons à la maison et s’occupe de ses beaux-parents et de ses petits-enfants qui vivent tous dans le même immeuble. Mais c’est totalement abasourdie que Surie sort de l’hôpital. Alors qu’elle pensait être ménopausée, après avoir combattu un cancer du sein, elle apprend qu’elle est enceinte, de jumeaux de surcroît. A son âge. Un choc, qui, elle le sait, choquera ses enfants et petits-enfants et la communauté toute entière. Seule la sage-femme, Val est au courant.

La nouvelle bouleverse Surie qui ne s’est toujours pas remise de la mort de son fils Lipa, décédé il y a quatre ans. Son nom est banni et tous les souvenirs liés à son fils ont été détruits. Plus aucune photo n’existe. Lipa avait quitté la communauté pour vivre au grand jour son homosexualité. Or la différence est interdite dans la communauté hassidique. Son père, bien que père doux et aimant, l’avait rejeté. Lipa avait déménagé avant de revenir chez lui, malade pour ensuite fuir à travers le pays et mourir à l’âge de 24 ans. Depuis, son nom est banni et nombre de ses petits-enfants ignorent tout de cet oncle. Surie le vit très mal et voit son fantôme un peu partout.

Chaque semaine, elle se rend à l’hôpital en cachant la vérité à son époux et à ses enfants. Là-bas, elle devient utile au monde médical, son anglais s’est amélioré et elle peut aider les médecins qui se trouvent démunis face à ces femmes juives hassidiques qui ne parlent pas anglais, ne sont plus toutes jeunes et ont déjà dix ou douze rejetons. L’Etat de New York a rendu illégal l’accouchement à domicile et elles sont donc forcées de fréquenter l’autre monde. Peu à peu Surie découvre un autre univers et une certaine liberté. Les semaines passent, la vie de famille, les fêtes religieuses, les décès ont lieu. Son ventre s’arrondit, ses chevilles gonflent et Surie dévore des livres d’anatomie, au grand dam de son époux, qui ne se doute de rien. Surie s’émancipe peu à peu et ne peut ignorer qu’un jour la vérité éclatera.

Une profonde aspiration à lui parler des jumeaux l’emplit, comme l’eau s’engouffrant dans une cruche tenue sous la surface d’un bassin, mais elle persista à ne rien dire. Il y avait en elle deux désirs qui s’entortillaient, celui de parler et celui de se taire. Braver son secret et en être libérée ou le conserver et s’assurer ainsi une parcelle de pouvoir.

Un roman magnifique, qui m’a vraiment ému. En premier lieu, l’autrice australienne est également juive orthodoxe, d’où l’excellente connaissance de leurs traditions et de leur vocabulaire. Ici, elle raconte l’histoire d’une famille, originaire de la Hongrie, où les beaux-parents de Surie se sont rencontrés dans un camp à la fin de la guerre, seuls survivants de leur famille. Pour eux, la tradition et la religion sont essentiels. Pour Surie également. Elle a toujours respecté toutes les règles même les plus contraignantes de sa communauté. Mais cette nouvelle vient bouleverser son mode de vie.

Un portrait vraiment touchant avec une héroïne à laquelle je me suis très vite attachée. J’ai beaucoup aimé l’amour qui règne dans le couple, la tendresse. Une vision d’une communauté où l’on s’entraide, où les anciens vivent chez leurs enfants, mais aussi une communauté qui refuse toute différence, toute transgression. Qui se réfugie dans la religion comme une bouée de sauvetage. A cela s’ajoute une très belle écriture.

♥♥♥♥

Editions Christian Bourgois, On Division, trad. Eric Chedaille, 2021, 355 pages 

 

Photo by Carmine Savarese on Unsplash

Et pourquoi pas

14 commentaires

Kathel 2 février 2021 - 8 h 39 min

Chouette photo !
Et ton avis confirme ma première impression qui m’avait déjà fait noter ce roman… il a tout pour me plaire !

Electra 2 février 2021 - 9 h 10 min

Oui et la photo vient du quartier même de Brooklyn où se déroule l’histoire. J’ai vraiment aimé les personnages et la chaleur, l’humanité qui se dégage de ce roman.

Sunalee 2 février 2021 - 9 h 01 min

Je pense que ce roman a aussi tout pour me plaire ! Je suis « tombée » dans ce thème en 1995 avec un roman de Pearl Abraham, The romance reader, qui m’a profondément marquée à l’époque – d’ailleurs le livre est toujours là dans ma bibliothèque alors que j’élimine souvent des bouquins plus anciens. Et puis il y a eu la série Unorthodox cette année. Tu l’as vue ?

Electra 2 février 2021 - 9 h 14 min

Oui, je l’ai vue et j’ai beaucoup aimé. Moi c’est en voyant un film alors que j’étais toute jeune ado que je suis tombée dedans (A stranger among us par Sidney Lumet) puis j’ai vu récemment un excellent documentaire sur les jeunes ou moins jeunes qui choisissent de quitter leur communauté. Le documentaire est excellent, il est sur Netflix (One of us).
Je note le tien !!!

keisha 3 février 2021 - 8 h 10 min

Hé bien ça m’intéresse beaucoup! Il reste à le guetter en bibli

Electra 3 février 2021 - 9 h 18 min

Oui, je pense qu’il te plaira ! je fais pareil que toi, je note chez les autres et j’attendrai leur arrivée à la bibli 🙂

Marie-Claude 3 février 2021 - 15 h 02 min

Mmmm! Revirement de situation: il rejoint la liste de mes envies.

Electra 3 février 2021 - 15 h 57 min

MDR ! Je te verrai bien toi avec dix mioches LOL

Mes échappées livresques 4 février 2021 - 7 h 42 min

Celui-ci me tente énormément! Un achat va s’imposer…

Electra 4 février 2021 - 15 h 17 min

Oui, connaissant un peu tes goûts, je pense qu’il va te plaire !

athalie 6 février 2021 - 9 h 59 min

C’est une commauté qui m’intrigue beaucoup aussi. As-tu lu L’élu de Chaïm Potok ? J’en garde un grand souvenir. Je note le titre que tu présente et aussi One of us, que je je connaissais pas.

Electra 7 février 2021 - 12 h 20 min

Oh oui, si tu peux regarder One of US, ce documentaire est vraiment très intéressant. Je repense souvent à cette mère de famille. Sinon, je connais de nom mais je n’ai jamais lu Chaïm Potok donc merci pour le rappel. Je continue de lire sur cette communauté et je suis toujours aussi intriguée 🙂

Eva 9 février 2021 - 10 h 17 min

tu te doutes que ce livre a éveillé mon intérêt 😉 noté !

Electra 9 février 2021 - 16 h 44 min

Je me demandais bien pourquoi tu ne l’avais pas déjà lu ! 😉

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