La couleur pourpre ∴ Alice Walker

par Electra
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J’ai vu l’adaptation cinématographique il y a fort longtemps (j’étais une jeune ado) et je me souvenais de certains passages. J’avais très envie de lire le roman d’Alice Walker, surtout au vu de mes dernières lectures sur les questions interraciales aux USA. J’ai dérogé à mon programme de lecture quand j’ai vu qu’il était disponible à la BM.

Nous voici dans le Sud des États-Unis, au début du 20ème Siècle. Célie Johnson est née pauvre. La jeune fille grandit sous la coupe d’un père tyrannique qui la viole régulièrement et dont elle a deux enfants, une fille puis un garçon qui lui sont arrachés. Célie ne peut compter que sur l’amour de sa jeune sœur Nettie. Nettie est plus intelligente, elle a de bonnes notes à l’école et très vite les hommes la remarquent car elle est jolie, Célie est « laide » selon les dires de son père. Nettie craint que son père ne la viole à son tour. Lorsqu’un homme plus âgé, veuf, vient la demander en mariage, son père refuse et lui « vend » Célie à la place. Nettie, se sentant en danger, prend la fuite et promet de d’écrire à sa soeur.

Mais Célie, désormais mariée à « M.  » ne recevra jamais les lettres de sa sœur (devenue missionnaire en Afrique) car son mari lui les subtilise. Les années passent et Célie doit subir les accès de violence de son époux qui la trompe régulièrement. Un jour, il ramène à la maison la très belle Shug, une merveilleuse chanteuse de blues, sa maîtresse. Ils ont eu 3 enfants ensemble qu’elle a laissés à ses parents. Shug, malade, vient s’installer chez eux, au grand dam des mœurs de l’époque. Célie n’aime pas cette femme fière et insolente, mais avec le temps, elles deviennent très proches. La vie sourit à nouveauà Célie et tous deux décident de partir s’installer à Memphis.

Célie se confie à sa sœur dans une correspondance sans espoir de réponse. De son côté, Nettie, continue d’écrire à sa Célie malgré l’absence de réponse, les années se transforment en décennies et chacune garde espoir de retrouver l’autre. La deuxième partie du roman ou plutôt le dernier tiers est presque entièrement consacré au personnage de Nettie et à sa vie en Afrique. Le roman d’Alice Walker est épistolaire, Célie se confie d’abord à Dieu puis à sa soeur et celle-ci fait de même. Une idée qui fonctionne bien.

Célie est le symbole du sort de nombreuses femmes noires. A cette époque, la religion domine et la femme doit obéir à l’homme. Et par cela, elle ne doit jamais faire quoique ce soit qui lui déplaise, il peut la battre et la violer autant qu’il le souhaite. Mais certaines refusent comme Shug, qui grâce à son talent et à son beauté peut se permettre de mener le mari de Célie par le bout du nez ou Sofia qui lorsque Harpo, le fils de l’époux de Célie, veut la frapper, lui rend ses coups en double.

La ségrégation est de règle dans le Sud et nos héroïnes doivent aussi affronter la domination des Blancs comme Sofia qui osa défier la femme du maire et fut contrainte et forcée, de devenir leur domestique – « une esclave déguisée » puisqu’elle n’est pas payée, est logée dans une cave insalubre et n’a pas le droit de quitter le domicile. Sofia est avec Shug, mon personnage préféré du roman.

Difficile de s’attacher à Célie, malgré sa gentillesse, car je pense qu’aujourd’hui, il est impossible de regarder avec le même sentiment cette femme qui est manipulée, battue, violée pendant des décennies et va aussi aisément pardonner à cet homme à la fin de sa vie, faisant de lui un ami proche….J’avoue que je n’ai pas réussi à le faire.

Si les premiers chapitres, sur les viols, ces enfants nés de l’inceste, m’ont estomaqués, j’ai trouvé que le roman perdait de son attrait surtout dans la deuxième partie de l’histoire. La vie de missionnaire de Nettie en Afrique m’a fortement ennuyée (je crois me souvenir qu’elle n’est pas racontée dans le film). Je n’avais aucune attache particulière envers elle, ni envers ses sentiments amoureux ou sa relation à Dieu. Si la réflexion de l’auteur sur la mission de ces missionnaires peut être intéressante en soi, elle n’a cependant pas sa place dans un roman si foisonnant.

Mon deuxième reproche est la fin très « gentillette » du roman. Trop « happy-ending« . Tous ces hommes qui se sont montrés violents, pervers, abusifs, ont vieilli et tous deviennent soudainement humbles et pardonnables. Ils regrettent tous le départ de leurs épouses,  et celles-ci, parfois battues jusqu’à frôler la mort, leur pardonnent sans souci ces années d’enfer. Tout est bien qui finit bien. Trop bien…

Toute ma vie je m’ai moquée de ce que les gens pensaient de moi. Mais dans mon cœur, c’était important Dieu qu’est-ce qu’il pensait. Et voilà maintenant j’ai compris, il pense pas, il se prélasse là-haut, assis sur son trône à faire la sourde oreille.

Je ne pense pas qu’une romancière contemporaine écrirait aujourd’hui la même fin. Reste la première partie où Célie se confie à Dieu et où Sofia lutte pour sa survie, c’est implacable et passionnant de bout en bout. Un formidable réquisitoire contre les violences faites aux femmes et contre la ségrégation.

Ce livre a reçu le prix Pulitzer et l’American Book Award en 1983 et a été adapté l’année suivante au cinéma par Steven Spielberg.

♥♥♥

Éditions Laffont, 2016, Coll.Pavillons Poche, The color purple, trad. Mimi Perrin, 368 pages

Et pourquoi pas

6 commentaires

keisha 15 janvier 2018 - 9 h 25 min

J’attendais que tu me tentes avec ce roman, mais non, le roman a mal vieilli alors?

Electra 15 janvier 2018 - 9 h 35 min

Oui et non. Je me demande si c’est moi mais j’ai trouvé des longueurs (en Afrique) et le côté plaintif qui a fini par me lasser

Jackie Brown 15 janvier 2018 - 18 h 30 min

Ce livre sera toujours un peu spécial pour moi parce que c’est le premier que j’ai lu en anglais en arrivant aux États-Unis. Je n’avais vu le film qu’après.

Electra 15 janvier 2018 - 20 h 25 min

Je comprends ! Le livre contient des passages très forts et je comprends quand un livre est lié à un souvenir, j’en ai plusieurs 🙂

Fanny 17 janvier 2018 - 7 h 18 min

J’ai vu le film aussi et il m’avait assez marquée. Mais pas sûre que je passe par la version livre 🙂

Electra 17 janvier 2018 - 7 h 33 min

Certaines scènes sont plus marquantes dans le livre mais la fin du livre est beaucoup moins passionnante que celle du livre 🙂

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